Une Semaine en Haïti – n°669– Lundi
29 septembre 2003
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Amiot Métayer a été exécuté de plusieurs
balles à la tête
Les partisans d’Amiot Métayer veulent chasser Jean-Bertrand Aristide
du pouvoir
Selon Jean-Bertrand Aristide, les élections respecteront le cadre fixé par
l’OEA
Le président haïtien prend la parole à l’assemblée
générale des Nations Unies
Des organisations civiques s’organisent dans le département du
Sud-Est
>>> Amiot Métayer a été exécuté de plusieurs balles à la tête
Amiot Métayer, le puissant chef du groupe Lavalas des Gonaïves
dénommé Armée cannibale, a été assassiné.
Son corps a été retrouvé dans la nuit du 22 au 23 septembre
près de Saint-Marc. Il a été tué de plusieurs balles à la
tête. L’état du cadavre montrerait que le meurtre remontait
déjà à un certain temps. D'après ses proches, Amiot
Métayer avait laissé sa résidence le 21 septembre dans
la soirée. Il disait qu’il allait rejoindre Paul Odonel, un militant
de la mouvance Lavalas de l’organisation MODLIN, avec qui il venait déjà de
passer quelques heures.
Amiot Métayer s'était évadé spectaculairement de
prison en août 2002. Son arrestation était réclamée
depuis par l’OEA, les secteurs d'opposition et les organisations de défense
des droits humains. Il lui était reproché d’avoir participé le
17 décembre 2001 à des actions violentes contre l’opposition.
Aux Gonaïves le gardien d’un local d’un parti politique était
mort brûlé vif. Amiot Métayer avait laissé entendre
en août 2002 que les plus hautes personnalités du pouvoir l'avaient
sollicité pour mener ces actions punitives.
L’opposition déplore le meurtre d’Amiot Métayer et
déclare qu’elle demandait son arrestation et son jugement et non
pas son exécution. Evans Paul a dénoncé ce qu'il appelle « la
pratique lavalassienne d'éliminer les chimères après avoir
utilisé leurs services ».
Au contraire, du côté des milieux Lavalas, on pointe du doigt
l’opposition et son prétendu « bras armé »,.
On fait remarquer que l’ambassadeur de France Yves Gaudeul venait de
prédire une « tempête politique » en Haïti. « Ceux
qui demandaient l'arrestation de Métayer depuis deux ans ont finalement
eu raison de lui », a affirmé un conseiller de Jean-Bertrand Aristide.
Cependant, au niveau du gouvernement, on se montre officiellement plus prudent. « Il
faut attendre les rapports de police pour qu'une enquête soit ouverte
et que la justice se saisisse du dossier », a déclaré à la
presse le secrétaire d'État Mario Dupuy.
>>> Les partisans d’Amiot Métayer veulent chasser Jean-Bertrand Aristide du pouvoir
Pour les proches d’Amiot Métayer, il ne fait guère de
doute que le meurtre a été commandité par le président
de la République. Ils affirment que Paul Odonel, l’homme qu’Amiot
Métayer allait rejoindre, a été vu au Palais national
le lendemain matin. Il serait introuvable depuis. Selon Jules André,
un proche d’Amiot Métayer, le chef de l’Etat avait deux
raisons de le faire exécuter : il constituait un obstacle à la
mise en place de la résolution de l’OEA et il disait que Jean-Bertrand
Aristide avait fait assassiner Jean Dominique. Jules André a ajouté sur
Radio Caraïbes : « Aristide a tué Amiot Métayer pour
pouvoir réaliser des élections. Eh bien, nous, nous nous mettons
en croix. Nous disons : pas d'élection. Nous disons : départ
d’Aristide. »
Depuis le 23 septembre, des manifestations se sont déroulées
tous les jours aux Gonaïves, dont l’essentiel des activités
se trouve paralysé. Les affrontements avec la police ont fait un mort
et plusieurs blessés. La police affirme avoir repoussé une attaque
du commissariat de la ville. Des maisons du quartier de K-Soleil auraient été perquisitionnées
par la police et leurs occupants battus avec des battes de base-ball. Jean
Tatoune, qui avait été condamné pour le massacre de Raboteau
de 1994, a pris la tête de plusieurs manifestations. Le drapeau américain
a été dressé sur le quartier de Raboteau pour demander
aux Etats-Unis d’aider les Haïtiens à chasser Aristide.
L’ancien chef de l’Organisation pour sauver Haïti, Yvon Bonhomme,
qui vit en exil aux Etats-Unis, appelle les autres dirigeants d’organisations
populaires à tourner le dos au président Aristide après
l’assassinat d’Amiot Métayer. Il affirme que le président
suit les traces de Papa Doc et a déjà fait assassiner plusieurs
dirigeants d’organisations populaires. Il cite les noms de Ronald Cadavre,
Ronald Bèbè, Féfé Bien-Aimé, Roland François
et prédit que la liste va s’allonger.
>>> Selon Jean-Bertrand Aristide, les élections respecteront le cadre fixé par l’OEA
Le 19 septembre, quelques jours avant l’assassinat d’Amiot Métayer, Jean-Bertrand Aristide, avait tenté de rassurer les secteurs internationaux au sujet du Conseil électoral provisoire (CEP) qui sera chargé de réaliser les prochaines élections législatives et locales. Lors d’une conférence de presse, il a clairement indiqué que l’opération sera conduite par le CEP de consensus prévu par la Résolution 822 de l’OEA. Il n’a pas confirmé les dates du 23 novembre et du 7 décembre 2003 avancées par Alix Lamarque en présence du premier ministre Yvon Neptune. Il a annoncé que les partis politiques participant aux prochaines élections recevraient une aide financière.
>>> Le président haïtien prend la parole à l’assemblée générale des Nations Unies
Laissant au loin les manifestations des Gonaïves et les appels à sa
démission, Jean-Bertrand Aristide a célébré au
siège de l'ONU, à New-York, les vertus de la paix et la liberté.
Il a souligné les menaces qui pèsent sur l’humanité.
Selon lui, vouloir mener une lutte efficace contre la pandémie du sida,
c'est opter inévitablement pour l'éradication de la misère
en prenant en compte le fardeau de la dette extérieure et les sanctions économiques.
Il a évoqué Haïti pour affirmer que « en Haïti
comme ailleurs, l'exercice du pouvoir implique le respect des libertés
fondamentales, la tolérance, la bonne gouvernance, la lutte contre la
corruption, le trafic de la drogue et l'impunité, l'investissement dans
l'humain, la sécurité pour tous et la tenue d'élections
libres, honnêtes et démocratiques ». Il a affirmé que « appauvrie,
mais consciente de ses richesses humaines, culturelles et historiques, Haïti
brille au-delà des ténèbres de la colonisation comme un
phare de la liberté». Les participants à l'assemblée
générale des Nations-Unies ont été invités à prendre
part à la célébration du Bicentenaire de l'Indépendance.
>>> Des organisations civiques s’organisent dans le Sud Est
Des organisations du Sud-est du pays essayent de se regrouper depuis quelque
temps au sein de la Coordination régionale des organisations du Sud-Est
(KROS). Son premier congrès a eu lieu le 14 septembre à Jacmel,
avec la participation de 500 délégués venant de 10 communes
du département. La KROS s'inscrit dans une démarche de mobilisation
afin d'obtenir le respect des droits civiques et sociaux de la population.
Selon l’un de ses dirigeants, Lesly Cassis Bennett, il s’agit notamment
de « faire pression sur le gouvernement pour parvenir à une justice équitable
et à la sécurité sociale », créer des activités
sociales et économiques, renforcer la culture haïtienne au niveau
national et faire sa promotion au niveau international.
Lors du premier congrès de la KROS, l’équipe dirigeante
a été reconduite sur la base d'un plan d'action de trois ans.
Cette équipe comprend notamment l’agronome Gérald Mathurin
qui était, il y a 7 ans, le ministre de l'Agriculture de Rosny Smarth.
Il a précisé que la KROS lutte en faveur de la mise en place
d'un « nouvel État pour une nouvelle société ».
Il a dénoncé la corruption au niveau de l'Etat haïtien qui,
selon lui, « dilapide les caisses publiques et participe au trafic de
la drogue ». « Nous demandons à la population dans les neufs
départements du pays de se mobiliser pour renverser le gouvernement
Lavalas », a lancé l’ancien ministre.
>>> EN BREF
Le Groupe de réflexion et d'action pour la liberté de la presse (GRALIP) exprime ses profondes préoccupations après que le secrétaire d'Etat à la Communication Mario Dupuy ait annoncé à mots couverts la fermeture prochaine de stations de radio, en particulier au Cap-Haïtien, pour leur implication présumée dans une campagne d'incitation à la violence.
L’ancien colonel Himmler Rébu a invité à une table-ronde les divers secteurs politiques et sociaux. Pour une trentaine d’invitations lancées, seules sont venues deux ou trois personnes, dont Evans Paul. Il ne s’agit pas d’un échec, estime l’ex-officier, mais ceci démontre qu’il existe des problèmes au sein de la classe politique haïtienne.
Le calme est revenu à Cité Soleil après les violences de la semaine précédente. Selon l’Agence haïtienne de presse, on n’a pas relevé de morts, mais seulement deux enfants brûlés lors de l’incendie de leur maison.
Le ministre de l’Environnement Webster Pierre a annoncé un programme d’assainissement de la capitale à l’occasion du Bicentenaire de l’Indépendance. Il a ainsi annoncé la construction d’un marché public devant héberger les marchands dont les étals encombrent les principales artères.
Haïti et son rayonnement dans les Hauts-de-Seine : exposition de peintures,
dégustation de cuisine haïtienne, concerts, conférences-débats,
projection de films, sur le parvis et au toit de la Grande Arche de la Défense,
samedi et dimanche 4 et 5 octobre, de 9h à 21h. C’est une initiative
du Cosevbash (association franco-haïtienne pour le développement
du Bourg d'Aquin et du Sud d'Haïti) et de la Maison départementale
de l'Outre-Mer du 92, en collaboration avec Haïti Promo, sous le patronage
du Conseil Général du 92. Renseignements : 01 55 17 22 83.
Un bulletin du Collectif Haïti de France
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