Une Semaine en Haïti – n°670– Lundi
06 octobre 2003
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Port-au-Prince sous la menace d’un tremblement de terre
Gonaïves sous le choc après une intervention meurtrière
de la police
Les Eglises et l’OEA invitent les acteurs politiques à trouver
un compromis
Les députés convoqués en session extraordinaire
Des partisans de Lavalas descendent dans les rues à l’occasion
de l’anniversaire du coup d’Etat
>>> Port-au-Prince sous la menace d’un
tremblement de terre
Deux secousses sismiques ont été enregistrées en moins
d’une semaine dans la région métropolitaine. Le chercheur
haïtien Daniel Supplice a rappelé que, dans le passé,
plusieurs villes du pays avaient été détruites par des
séismes. Le gouvernement se montre également inquiet par les
secousses telluriques enregistrées dans le pays. Le ministre de l’environnement
Webster Pierre se dit certain que tôt ou tard Port-au-Prince sera frappé par
un tremblement de terre. Les premières mesures annoncées par
le gouvernement concernent les constructions anarchiques érigées
au niveau du Morne l’Hôpital. Toute maison qui ne respecte pas
les normes établies sera tout bonnement détruite. Une ligne
de démarcation sera tracée pour éviter une catastrophe
de grande ampleur.
>>> Gonaïves sous le choc après une intervention meurtrière de la police
Toute la semaine dernière, les partisans d’Amiot Métayer
ont continué à manifester aux Gonaïves pour réclamer
le départ du président Aristide. Amiot Métayer ne sera
pas enterré tant qu’Aristide sera là, a promis l’un
de ses frères. La police judiciaire a indiqué que l'enquête
sur l'assassinat progresse, et que deux suspects, dont elle n’a pas donné l’identité,
ont été arrêtés. Pour leur part, les partisans d’Amiot
Métayer accusent le commissaire de la ville des Gonaïves, Harold
Adéclat, d’avoir supervisé l’exécution. Le
domicile des parents du commissaire a été incendié. Le
bâtiment et le commissariat des douanes ont subi le même sort.
Jeudi 2 octobre, la police a utilisé les grands moyens pour reprendre
le contrôle de la situation. Elle a fait appel à ses principales
unités et aux services d’un hélicoptère. Les affrontements
ont fait entre trois et huit morts selon les sources et plus d’une dizaine
de blessés par balles. Les brutalités de la police sont comparées
aux exactions commises par l’ancienne armée dans le quartier de
Raboteau, le 22 avril 1994. La police nationale plaide non coupable et affirme
que les violences ont été commises par des partisans d’Amiot
Métayer. Une somme importante a été offerte à toute
personne pouvant conduire à l’arrestation des leaders de la mobilisation
anti-Aristide.
La Coalition nationale pour les droits des Haïtiens (NCHR) accuse la police.
Elle affirme que, pendant plus de trois heures, « la terreur aveugle
a frappé femmes enfants et hommes désarmés dans le quartier
de Jubilé. Des gens qui tentaient de prendre la fuite par la mer ont été contraints
de rebrousser chemin, d’autres ont été atteints de projectiles
chez eux ». La NCHR estime que l’intervention sanglante du 2 octobre
a été minutieusement planifiée. En effet, la veille, selon
la NCHR, le pouvoir avait fait installer le dénommé Aslès
Saint-Louis comme commissaire du gouvernement aux Gonaïves. Cet homme
aurait été nommé pour assurer l’impunité aux
auteurs des violences qui se préparaient. A Delmas, où il exerçait,
il aurait la réputation de travailler main dans la main avec le groupe « tolérance
zéro » accusé de procéder à des exécutions
sommaires.
Par la voix d’Evans Paul, la Convergence démocratique a déclaré qu’en
guise de cadeau à la population des Gonaïves à l’occasion
du Bicentenaire, Jean-Bertrand Aristide lui a offert des cadavres. Il exhorte
les populations des différentes régions à soutenir le
mouvement des Gonaïves.
>>> Les Eglises et l’OEA invitent les acteurs politiques à trouver
un compromis
Dans un message en date du 26 septembre, les évêques soulignent
qu’il faut rechercher un double compromis : « Un compromis structurel
relatif à l’établissement d’un Conseil électoral
consensuel entraînant de ce fait la dissolution du Conseil électoral
existant et un compromis institutionnel relatif au vide parlementaire ».
De son côté, l’Église épiscopale d’Haïti
demande au pouvoir et à l’opposition d’entamer un dialogue
dans les meilleurs délais.
Selon Radio Métropole, le secrétaire général
de l’OEA, Cesar Gaviria, a invité des formations de l’opposition à une
réunion pour discuter avec Jean-Bertrand Aristide de la formation
du nouveau Conseil électoral provisoire. Cette rencontre, qui aurait été présidée
par le numéro 2 de l’OEA, Luigi Einaudi, devait se tenir dans
la résidence de l’ambassadeur américain, le dimanche
5 octobre. La réunion a finalement été annulée
au lendemain de la brutale intervention de la police aux Gonaïves. La
Convergence démocratique et le Groupe de la société civile
auraient fait savoir que la réunion n’était pas suffisamment
préparée et que le moment ne s’y prêtait pas.
Interrogé par Radio Métropole, Frandley Julien, un responsable
de l’Initiative citoyenne du Cap Haïtien, a déclaré que
l’OEA voulait imposer aux Haïtiens une « démocratie
au rabais ». Il estime que Jean-Bertrand Aristide se croit tout permis
en raison de la complaisance de l’OEA et des Etats-Unis à son égard.
Il s’est dit choqué par le communiqué de l’Eglise
catholique et par sa passivité face aux événements des
Gonaïves. Il a confirmé la tenue d’une manifestation au
Cap Haïtien le 5 octobre.
>>> Les députés convoqués en session extraordinaire
La dernière session ordinaire de l’actuelle législature avait été close le 8 septembre. Mais un arrêté présidentiel a convoqué les députés en session extraordinaire. L’arrêté présidentiel précise que les parlementaires devront statuer sur vingt-deux textes de loi. Il ajoute que la session durera jusqu’à épuisement de l’objet de la convocation. Or le mandat des députés se terminera le deuxième lundi de janvier 2004. Vu l’importance du travail à accomplir, certains se demandent si les députés ne seront pas appelés à siéger plus longtemps que ne le prévoit la constitution.
>>> Des partisans de Lavalas descendent dans les rues à l’occasion de l’anniversaire du coup d’Etat
Le gouvernement a rendu hommage aux milliers de victimes du putsch dirigé par
le général Raoul Cédras et le colonel Michel François. « Le
coup d'État du 30 septembre 1991 se prolonge de nos jours sous d'autres
formes », a déclaré le secrétaire d'État à la
Communication, Mario Dupuy. Il a parlé de « campagne de désinformation,
de climat de terreur, d’assassinats planifiés, pour créer
la confusion ».
Si Mario Dupuy n’a pas précisé qui il accusait, en revanche
la manifestation qui s’est tenue à Port-au-Prince le 30 septembre
a été l'occasion de s'en prendre à plusieurs médias,
dont Télé Haïti, Radio Quisqueya, Radio Caraïbe et
Radio Métropole. Cette manifestation qui avait été lancée
par le Parti populaire national (PPN), parti dirigé par Ben Dupuy, était
appuyée par le secteur Lavalas. Elle a réuni plusieurs centaines
de partisans du pouvoir selon les uns et plusieurs dizaines de milliers de
personnes selon Haïti Progrès. Les manifestants qui, au son de
musiques rara, criaient à tue-tête « Aristide ou la mort » s'en
sont pris également aux organismes de défense des droits humains
et à tous les secteurs critiques envers le pouvoir.
La veille, plusieurs médias de la capitale avaient dénoncé un
plan préparé dans les milieux Lavalas pour attaquer plusieurs
stations de radios ainsi que leurs propriétaires à l’occasion
de la manifestation. Le gouvernement a dit prendre ces menaces au sérieux,
et des dispositions ont été prises pour protéger les radios
de la capitale.
>>> EN BREF
Une cinquantaine d’intellectuels haïtiens ont signé une « Déclaration de principe sur le Bicentenaire d’Haïti ». Ils estiment que le gouvernement ne vise qu’à rechercher une « impossible légitimité » à travers les célébrations officielles qu’il va organiser et refusent de s’y associer. Ils invitent « le peuple haïtien et les institutions et personnalités étrangères à ne pas se prêter aux manipulations et aux tentatives de séduction du pouvoir tyrannique ». Concernant « les démarche de réparation et de restitution », ils reconnaissent « la nécessité d'une réflexion, d'un dialogue voire d'une action à venir à la mesure de la complexité de ces notions ». Mais ils estiment que « la dérive totalitaire, l'incompétence et la corruption qui caractérisent l'actuel gouvernement le disqualifient en ce qui a trait à la conduite de cette procédure ». Parmi les signataires se trouvent Frankétienne, Dany Laferrière, Jean-Claude Fignolé, Gary Victor, Laennec Hurbon, Michèle Pierre-Louis.
Le ministre de la Justice, le secrétaire d'Etat à la Communication et le directeur général du Conseil national des télécommunications ont semé l’inquiétude dans les radios critiques à l’égard du pouvoir. Le 21 septembre, ils ont brandi une loi sur les télécommunications datant de 1977 – c’est-à-dire de l’époque des Duvalier - pour exiger que les radios accordent des temps d’antenne au gouvernement pour faire passer des messages. Selon le Groupe de réflexion et d'action pour la liberté de la presse (GRALIP) il s’agit « de contraindre les médias privés indépendants à l'obéissance totale sur trois thèmes polémiques : l'alphabétisation, les élections et 2004 ».
Le nouvel ambassadeur de France en Haïti, Thierry Burkard, a présenté ses
lettres de créances. A l’issue d’un entretien avec le chef
de l’État, Thierry Burkard a annoncé que son pays participera
aux cérémonies du Bicentenaire de l’Indépendance,
le 1er janvier 2004. Le diplomate a indiqué que la question de la restitution
de l’indemnité de l’indépendance n’avait pas été abordée
lors de son entretien avec Jean-Bertrand Aristide. Le nouvel ambassadeur français
a annoncé le renforcement de la coopération entre Paris et Port-au-Prince.
Selon Thierry Burkard, il s’agira d’une nouvelle forme de réparation
envers Haïti.
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