Une Semaine en Haïti – n°674 – Lundi
03 novembre 2003
Au moins 13 morts dans un conflit terrien à Fond Baptiste
La tension monte encore d’un cran aux Gonaïves
Le gouvernement interdit les manifestations au Cap Haïtien
Un rassemblement de femmes dispersé à coups de pierres à Port-au-Prince
Menacées, des stations de radio arrêtent de diffuser des nouvelles
>>> Au moins 13 morts dans un conflit terrien à Fond Baptiste
Un conflit terrien à Fond Baptiste, dans le département de
l’Ouest aurait fait au moins 13 morts, plusieurs disparus et plus de
2000 déplacés entre les 16 et 20 octobre. La Plate-forme des
organisations haïtiennes des droits humains souligne les risques de
famine et d'épidémie qui menacent maintenant la population.
Elle dénonce le refus du ministère de la Justice de garantir
la sécurité d'une délégation qui devait se rendre à Fond
Baptiste.
Selon Frantz Jocelyn Dorélus, paysan d’une localité voisine
de Fond Baptiste, les victimes ont été tuées par des
hommes recrutés à Cité Soleil et à Marchand Dessalines. « Certains
cadavres ont été dévorés par des chiens, d'autres
ont été retrouvés sans tête » affirme-t-il.
Face à ce climat de terreur, de nombreux paysans ont abandonné les
lieux, a-t-il ajouté. Des autorités locales et un parlementaire
seraient impliqués dans ces événements.
>>> La tension monte encore d’un cran aux Gonaïves
« Nous commençons à tomber dans une violence incontrôlable »,
a déclaré Jean-Claude Bajeux, directeur du Centre oecuménique
des droits humains à propos de la situation aux Gonaïves.
Des événements confus se sont déroulés dans cette
ville le dimanche 26 octobre. Une jeune fille, Jozna Pierre, a été tuée
d’une balle. Des partisans d’Amiot Métayer accusent le
directeur départemental de la police, le commissaire Camille Marcellus,
qui, lui-même, a été blessé grièvement.
Le secrétaire d’Etat à la communication, Mario Dupuy,
dénonce ce qu’il appelle le bras armé de l’opposition.
Le même jour, des hommes ont pris d'assaut le domicile du délégué départemental
de l'Artibonite et ont emporté une demi-douzaine d'armes à feu.
Il s’agit selon Radio Métropole de partisans d’Amiot Métayer.
Le Premier ministre Yvon Neptune a qualifié de “terroristes” les
opposants au régime qui réclament le départ Aristide
suite au meurtre d’Amiot Métayer. Le 27 octobre, la police,
appuyée par des unités aériennes et maritimes, a mené une
brutale intervention dans le quartier de Raboteau. Une personne a été tuée
par balles selon Alterpresse. La police aurait mis le feu à plusieurs
maisons, dont celle du défunt Amiot Métayer. Le lendemain,
la police, accompagnée de civils armés, investissait à nouveau
le quartier de Raboteau pour une opération dite de désarmement.
Une dizaine de maisons, dont celles de Buter Métayer, frère
d’Amiot Métayer, auraient été incendiées.
Plusieurs organes de presse affirment qu’un bébé est
même mort dans une de ces maisons. Mais selon le gouvernement, il s’agit
là de rumeurs montées de toute pièce.
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Le gouvernement interdit les manifestations au Cap Haïtien
Depuis plusieurs semaines, les initiatives du Front de l’Opposition
dans le Nord pour organiser des manifestations anti-gouvernementales ont
suscité des réactions violentes de la part des partisans du
gouvernement. A plusieurs reprises, la ville a été paralysée.
Selon Alterpresse, ces derniers jours, plusieurs partisans de l'opposition
ont été blessés, dont un par balles le 25 octobre, et
la maison d'un dirigeant du Front a été saccagée. Dimanche
26 octobre, le Front de l’Opposition voulait tenir une manifestation.
Mais dès la veille, toute la zone d’où devait partir
la manifestation était occupée par des groupes pro Lavalas.
Des barricades étaient dressées et plus d'une cinquantaine
de vitres de véhicules ont été cassées.
Le gouvernement a décidé d'interdire toute manifestation au
Cap-Haïtien jusqu’au 19 novembre. Il dit avoir adopté cette
mesure en vue de permettre à la population de célébrer
dans la paix les 200 ans de la bataille de Vertières. La plate-forme
des organisations de défense des droits humains dénonce cette
mesure qu’elle juge inconstitutionnelle. Elle considère que
de telles pratiques rappellent l’époque de la dictature des
Duvalier.
A Pétionville, des partisans de Lavalas ont empêché la
tenue d’une marche pour la protection de l'environnement, organisée
par un parti d’opposition, le PADHEM. Des manifestants auraient été malmenés.
Le sénateur du Sud-Est Prince Sonson Pierre s’est insurgé contre « la
façon dont le gouvernement gère les signes de mécontentement
populaire dans le pays ». « Les interventions de la police pour étouffer
les manifestations anti-gouvernementales un peu partout dans le pays me rappellent étrangement
les agissements des suppôts du régime dictatorial de l’époque
du coup d’Etat de 1991 » a-t-il indiqué. Néanmoins,
plusieurs dizaines de sociétaires victimes des coopératives
en faillite ont pu se rassembler devant le ministère de la Justice
sous la protection de la police.
>>> Un rassemblement de femmes dispersé à coups de pierres à Port-au-Prince
Dans un communiqué intitulé « Cri des femmes » la
Coordination nationale de plaidoyer pour les droits des femmes (CONAP) a
rappelé différents actes de violence perpétrés
dans le pays au cours de ces derniers jours et qui ont coûté la
vie à plusieurs femmes. Les organisations féministes ont notamment été très
marquées par le meurtre, chez elle, de leur amie Danielle Lustin,
qui dirigeait une institution de micro-finance destinée aux femmes
du secteur informel. Le 29 octobre, la CONAP a organisé un rassemblement
silencieux sur les marches du Palais de Justice pour attirer l'attention
sur la violence, l'insécurité et l'impunité qui sévissent à travers
le pays.
Ce rassemblement a été attaqué à coups de pierres
et de bouteilles par des partisans du président Aristide qui scandaient
: « Vive Aristide pour 5 ans ». Toute absence d’Aristide
du pouvoir signifierait massacre et incendies, menaçaient-ils. Les
militantes féministes ont dû se réfugier à l’intérieur
du Palais de Justice tandis que des pierres étaient lancées à l’intérieur
même du bâtiment.
>>> Menacées, des stations de radio arrêtent de diffuser des nouvelles
Le 28 octobre, des individus ont fait feu sur le local de Radio Caraïbes, à Port-au-Prince.
Il n’y a pas eu de victime. Les responsables de la station et de la
salle des nouvelles ont décidé d’arrêter toute
diffusion d'information et de prendre le temps d'évaluer la situation.
Selon la police, le véhicule utilisé par les assaillants a été retrouvé.
Ce véhicule est affecté au service du directeur administratif
de l'Office national du cadastre, Monphito Toussaint. Il aurait été placé en
garde à vue.
Au Cap Haïtien, deux station de radio, Radio Maxima et Radio Hispaniola
ont suspendu leurs programmes d’information en raison d’agressions
physiques et de menaces proférées contre les journalistes.
Aux Gonaïves, Radio Transatlantique aurait également suspendu
ses émissions d'information après l’agression de journalistes.
Quatre correspondants de radio aux Gonaïves dénoncent un complot
visant à les assassiner.
>>> EN BREF
Les pluies continuent à faire des victimes et d’importants dégâts à travers le pays. Les autorités locales de Pernier, près de Pétionville, indiquent que 2 personnes ont été tuées et que 275 familles sont sinistrées en raison des pluies torrentielles du samedi 25 octobre. Une personne a été tuée suite aux pluies qui se sont abattues pendant une semaine sur le département de la Grande-Anse.
Des résidents de Delmas 65 dénoncent la disparition d'un jeune du quartier à l'aube du 25 octobre. La victime, Roody Salnave, se trouvait à son domicile lorsqu'il a été brutalisé et enlevé par un détachement d'hommes en uniforme venus à bord d'un véhicule de police. Depuis, ses proches ne sont pas parvenus à le retrouver.
L’UNICEF a exprimé sa « très vive inquiétude » à propos de l'affaire Louisma Jonathan, cet adolescent de 16 ans qui aurait été battu dans un commissariat puis livré à des chiens. L’UNICEF réclame une enquête et l’application des sanctions prévues par la loi.
Le 21 août, la Coalition nationale pour les droits des Haïtiens (NCHR) avait publié un document sur les pratiques violentes de civils armés, communément appelés attachés, et agissant en toute impunité. René Jean Antoine, dit Sonnen, qui était dénoncé dans ce rapport a confirmé depuis qu’il travaillait pour plusieurs commissariats. Lundi 27 octobre, il a été attaqué par des inconnus armés qui se trouvaient, dit-on, à bord du véhicule d’un parlementaire. Il a été blessé à la main. Une personne qui l’accompagnait a été tuée sur le coup.
Le chef de la mission spéciale de l’OEA, David Lee, a déclaré à la presse que « l’OEA ne cautionne pas l’usage de la violence dans les rues, ni ailleurs, pour renverser un gouvernement ou pour atteindre d’autres objectifs privés ou publics ». Il a ajouté que « l’OEA n’accepte pas non plus un usage disproportionné de la force par les agents de la Police nationale, une seule personne tuée par la police est un mort de trop ». Il a condamné l’attaque perpétrée contre Radio Caraïbe.
Après plusieurs tentatives infructueuses, les élections au rectorat de l’Université d’Etat d’Haïti se sont déroulées le vendredi 31 octobre Le professeur Pierre-Marie Paquiot a été réélu au poste de recteur de l’Université d’Etat d’Haïti après un mandat de quatre ans et une période de transition de plus d’une année. La nouvelle équipe a recueilli 19 voix sur 32.
Des ONG et des agences internationales estiment que leur action, menée
en partenariat avec le Ministère de la santé, a permis de stabiliser
le nombre de personnes atteintes par le VIH. Selon les centres de santé Gheskio,
la transmission du VIH de la femme enceinte au nouveau né a même
baissé de manière spectaculaire.
Un bulletin du Collectif Haïti de France
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