Une Semaine en Haïti – n°677– Lundi
24 novembre 2003
Tout le monde n’a pas commémoré la bataille de Vertières
Suite de la manifestation avortée organisée par le Groupe des
184
Manifestation mouvementée d’écoliers à Petit Goâve
Interprétations diverses sur les relations Haïti/Etats-Unis
Violences à Gonaïves et Port au Prince
>>>Tout le monde n’a pas commémoré la bataille de Vertières.
Ce mardi 18 novembre 2003 avait lieu la commémoration du bicentenaire
de la bataille de Vertières (près du Cap-Haïtien). Cette
bataille a marqué la victoire définitive des anciens esclaves
sur les armées françaises, et ouvert la voie de l’indépendance
haïtienne.
Dans le site rénové de Vertières, la commémoration
officielle, a rassemblé plusieurs milliers d’Haïtiens et
d’étrangers, qui ont assisté au discours du président
Jean-Bertrand Aristide. Après avoir rendu hommage aux héros
de l’indépendance, dénoncé l’esclavage comme
crime contre l’humanité et fait un rappel historique des faits
qui ont abouti à la bataille de Vertières, le président
a axé son allocution sur des thèmes d’actualité.
Il a lancé un message en faveur de l’unité et de la réconciliation
nationale et appelé aux élections, tout en condamnant les « putschistes
terroristes » et en mettant en garde contre des possibilités
de coups d’Etat. Il a fustigé la communauté internationale
qui, par son embargo, reconduit le même « complot » qu’au
temps de l’esclavage. Enfin, il s’est à nouveau prononcé pour
la restitution de la dette de l’indépendance par la France.
L’absence de nombreuses personnalités ou secteurs de la société a été très
remarquée. Suite à la manifestation du groupe des 184 interrompue
par les partisans Lavalas le vendredi 14 novembre, les représentants
de la société civile et du secteur privé ont appelé à boycotter
la cérémonie de Vertières. Pour les mêmes raisons,
les ambassadeurs américain, et français ainsi que les représentant
de l’Union Européenne n’étaient pas présents.
Seuls les Ambassadeurs du Vatican, et du Canada, ainsi que les représentants
des Caraïbes, de l’Amérique Latine et de l’OEA ont
assisté à la cérémonie.
Ces absences ont été critiquées par le secrétaire
d’Etat à la communication, Mario Dupuy qui a précisé que
l’opposition avait manqué une occasion de montrer son désir
de participer à la construction démocratique. Pour Bell Angelot,
directeur général du Ministère de l’intérieur, « il
est temps que la sensibilité patriotique l’emporte sur la sensibilité politique ».
L’opposition, de son côté, a jugé inapproprié le
discours du Président, qui « sur fond de haine et de divisions
n’a plus sa place dans une société qui a besoin de paix
et d’unité ». Turneb Delpé (PNDPH) juge ses propos
démagogiques tandis que Rosny Desroches (Initiative de la Société Civile)
estime que le président a une très mauvaise lecture de la conjoncture
d’aujourd’hui par rapport à celle de 1803.
A noter enfin, qu’en dehors du Cap-Haïtien, la commémoration
est passée inaperçue dans la plupart des autres villes du pays.
>>> Suite de la manifestation avortée organisée
par le Groupe des 184.
Le rassemblement pour un nouveau contrat social et un plan de sortie de
crise, organisé le 14 novembre par le groupe des 184 organisations
et institutions de la société civile et soutenu par la Convergence
démocratique et d’autres partis d’opposition, a été empêché de
se tenir.
Outre les violences notamment policières, l’arrestation de
25 membres du groupe des 184, apparaît choquante à divers
mouvements étudiants, politiques, religieux et des droits humains
en Haïti, ainsi qu’à l’opinion internationale (les
ambassades des Etats-Unis et de l’Union Européenne).
Présentés au tribunal le 17 novembre, 23 des 25 personnes
arrêtées ont été renvoyées en garde à vue
au commissariat de Port au Prince, faute de rapports de police prêts à temps,
et en dépit d’aucune charge retenue contre elles, selon leurs
avocats.
Le 18 novembre, 21 des 25 personnes ont été libérées.
Mais le 21 novembre – une semaine après leur arrestation – quatre
personnes étaient encore en détention au Pénitencier
National, dont 2 des principaux dirigeants du groupe des 184 : Charles
Baker, vice-président de l’Association des Industriels haïtien
et David Apaid, neveu du Coordinateur du groupe des 184
>>> Manifestation mouvementée d’écoliers à Petit
Goâve.
Le 20 novembre, à Petit Goâve, une manifestation anti-gouvernementale
a été interrompue brutalement par la police. Organisée
par les écoliers du lycée Faustin Soulouque, elle commémorait
le premier anniversaire de la répression policière qui avait
eu lieu, contre les lycéens, en novembre 2002.
Deux dirigeants étudiants ont été arrêtés
et maltraités lors de cette manifestation. Il s’agit de Hervé Saintilus,
Président de la Fédération des Etudiants Universitaires
Haïtiens (FEUH) et Roland Laguerre, membre du mouvement étudiant
de la Faculté de Sciences Humaines, venus apporter leur soutien aux
lycéens. Un jeune écolier a été blessé par
balles.
Jean-Marc Dominique, inspecteur de police à Petit Goâve, justifie
l’interruption de la manifestation par le fait qu’aucune autorisation
n’avait été délivrée. Selon lui, l’intervention
des policiers au gaz lacrymogène répondait aux pierres lancées
par les écoliers.
A Port au Prince, le 21 novembre, un sit-in de soutien aux lycéens
de Petit Goâve s’est transformé en manifestation autour
de la faculté de Sciences Humaines. Les étudiants ont demandé la
libération de leurs deux homologues, ainsi que le départ du
président Jean-Bertrand Aristide. Plusieurs secteurs ont dénoncé l’arbitraire
de l’arrestations des deux étudiants : Reynold Georges de l’Alah,
Denis Julien de l’Initiative Citoyenne ou encore Vilès Alizard
de la Plate forme des Organisations de Défense des Droits Humains,
qui a pu rendre visite à l’un des étudiants en prison.
Les deux étudiants ont été relâchés le
21 novembre.
>>> Interprétations diverses sur les relations Haïti/Etats-Unis.
Le 18 novembre, le quotidien français « Le Figaro » intitulait
un long article sur Haïti : « Les Etats-Unis prêts à lâcher
Aristide ». La porte-parole de l’Ambassade Américaine
a indiqué que cet article ne reflète pas la position réelle
de l’administration Bush, et que le gouvernement des Etats-Unis continu à soutenir
les efforts de l’Organisation des Etats Américains visant à la
formation d’un Conseil Electoral Provisoire en vue d’élections
libres.
Au même moment, les migrations illégales d’Haïtiens
font l’objet d’une surveillance renforcée par les garde-côtes
américains. Les clandestins interceptés sont rapatriés
en Haïti. Ce sont la misère, le chômage et la cherté de
la vie qui poussent ces candidats malheureux à l’émigration à s’embarquer
ainsi au péril de leur vie sur des bateaux de fortune.
A noter que des agents américains du service de l’immigration
sont également en poste à l’aéroport international
de Port au Prince pour « aider les agents haïtiens du service
de l’immigration », à la suite semble t-il d’une
fausse alerte à la bombe.
Enfin, le gouvernement américain a fait annuler plusieurs visas d’officiels
haïtiens, notamment celui du Ministre de l’intérieur Jocelerme
Privert. Selon la porte-parole de l’Ambassade, cette décision
n’a rien à voir avec les relations entre les deux pays.
>>>Violence à Gonaïves et
Port au Prince.
Aux Gonaïves le local de la Délégation Départementale
de l’Artibonite a été incendié par des manifestants
hostiles au président Aristide. Ils annoncent que la pression va continuer.
La ville est en partie paralysée depuis plusieurs semaines.
A Cité Soleil, notamment dans la zone du Warf, privée d’électricité,
d’eau potable et de téléphone depuis plus d’un
mois, les activités sont paralysées et les habitants se plaignent
de la terreur semée par les partisans du chef de bande Robenson Thomas,
dit Labannière.
Enfin, la peur gagne les femmes de la région de Port au Prince où viols
et enlèvements se multiplient. Les associations de femmes réclament
des actions rapides de la part des autorités judiciaires…cependant
que l’affaire du policier James Montas, accusé de viol, n’a
toujours pas été jugée.
>>> EN BREF
Le 20 novembre, une cinquantaine d’intellectuels et d’artistes haïtiens ont présenté un nouveau mouvement baptisé « Non ». Celui-ci a pour ambition d’entrer dans la réflexion pour déterminer les causes de la situation actuelle, de dénoncer « l’inacceptable » et de diffuser des informations sur la situation haïtienne dans les milieux intellectuels internationaux.
César Gaviria, le secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains (OEA), a présenté son 5ième rapport sur Haïti. Il souligne la situation de plus en plus polarisée, polarisation qui sape les efforts de l’OEA pour la création du CEP. Il note le manque de moyens du côté haïtien pour résoudre la crise mais aussi le manque de motivation politique et les problèmes de fonctionnement de la police.
Une action en justice va être intentée par la communauté haïtienne aux Etats-Unis à l’encontre d’un jeu vidéo américain très populaire. Les dialogues du jeu invitent à « tuer tous les haïtiens », les traitent de « voleurs » et de « trafiquants de drogue ».
Le Commissaire de police Honald Bonnet, responsable du bureau des Affaires Criminelles, a été tué par balles le 17 novembre au cours d’une opération de police, sur la route de l’aéroport, par deux individus à moto.
André Apaid Junior, coordonnateur du groupe des 184, a été entendu par le juge Napelat Saintil, le jeudi 20 novembre, dans le cadre des violences de Cité Soleil de juillet dernier. M. Apaid considère cette action des autorités judiciaires comme des persécutions politiques, estimant que les violences subies en juillet sont le fait des partisans du pouvoir.
Un Forum sur l’environnement qui s’est tenu du 5 au 7 novembre
a pris une résolution visant à l’éducation environnementale
dont la promotion serait assurée à travers tous les cycles
de l’enseignement.
Un bulletin du Collectif Haïti de France
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