Une Semaine en Haïti – n°679– Lundi
08 décembre 2003
Intervention très violente de partisans du pouvoir dans une faculté
Libération de deux dirigeants du Groupe des 184
Les violences se poursuivent aux Gonaïves à l’approche
du Bicentenaire
Jean-Bertrand Aristide veut des élections dans les premiers mois de
2004
>>>
Intervention très violente de partisans du pouvoir dans une faculté
Des étudiants de la faculté des Sciences humaines ont lancé une
série de mobilisations antigouvernementales. Quelques centaines de
personnes ont manifesté mercredi 3 décembre. Les forces de
police ont tenu à distance les partisans de Lavalas sur le parcours
de la manifestation. Mais, au terme de cette marche, des affrontements se
sont produits. La police fait état de deux blessés dans ses
rangs. Un professeur de la faculté des Sciences humaines, Fritz Joseph
Pierre a été matraqué par des policiers.
Les événements du vendredi 5 décembre ont provoqué un
grand choc. Ce jour là, une deuxième manifestation devait avoir
lieu, mais elle a été empêchée de se tenir : vingt-cinq
personnes auraient été blessées lors d’une intervention
très violente de partisans de Lavalas. Ils ont démoli un mur
pour entrer dans la faculté des Sciences humaines, d’où devait
partir la marche. Une partie des locaux de la faculté et d’un
institut voisin a été saccagée. Six personnes auraient été blessées
par balle, dont un partisan de Lavalas. Le recteur Pierre Marie Paquiot a été frappé à coup
de barre de fer et aurait les deux jambes fracturées. Le vice-recteur
aux affaires académiques, Wilson Laleau, a été blessé à la
tête. Deux journalistes ont été sévèrement
battus.
Il a fallu l’intervention du directeur de l’Administration pénitentiaire,
Clifford Larose, pour que la police réagisse en fin de journée.
Elle a évacué les étudiants qui étaient restés
bloqués dans la faculté. Clifford Larose aurait arrêté lui-même
un partisan de Lavalas qui venait de tirer sur un étudiant. Selon
la version donnée par l’Agence haïtienne de presse, les
partisans de Lavalas n’ont fait que répliquer aux jets de pierre
des étudiants.
Ces violences ont été vivement condamnées par la ministre
de l'Éducation nationale, Marie Carmelle Austin, qui s'est déclarée "horrifiée" par
ces incidents "révoltants". La police "n'a pas fait
son travail et n'a pas été à la hauteur de sa tâche",
a-t-elle ajouté. "Le gouvernement condamne toutes les violences,
d’où qu’elles viennent", a déclaré le
premier ministre Yvon Neptune. Selon ses propres termes, la police a été "dépassée
par les événements". Il a aussi qualifié de "violences
provocatrices" l’attitude de certains étudiants qui l’ont
bousculé à l’hôpital du Canapé vert, où il était
allé rendre visite au recteur Pierre Marie Paquiot.
>>> Libération de deux dirigeants du Groupe des 184
Le 1er décembre, Charles Baker et David Apaid ont été finalement
mis en liberté provisoire. Ces deux dirigeants du Groupe des 184 organisations
de la société civile avaient été arrêtés
le 14 novembre. Leurs partisans qui occupaient les bureaux de l’OEA
ont mis fin à leur action le 29 novembre. A sa libération,
Charles Baker a appelé à une fusion entre toutes les classes
sociales pour rééditer l’exploit de 1804 : « Pétion
et Dessalines avaient fait 1804, nous ferons 2004 », a-t-il proclamé.
La détention prolongée de Charles Baker, a eu des conséquences
sur la vie de son entreprise de sous-traitance. En raison de son incarcération,
une société multinationale a décidé de mettre
fin à ses commandes, et environ 700 ouvriers ont été licenciés.
Charles Baker pense que ces emplois seront récupérés
d’ici janvier ou février prochain.
Les ponts sont coupés entre le Groupe des 184 et la mission spéciale
de l’OEA. Le coordonnateur des 184, André Apaid Junior, a déclaré que
la mission de l’OEA avait échoué dans sa tâche
de renforcement de la démocratie. Il réclame une réévaluation
de son mandat. Il demande que, sinon, elle plie bagage, car à son
avis elle ne protège pas les citoyens des abus du régime Lavalas.
André Apaid Junior a été placé sous contrôle
judiciaire à la suite de son audition sur les violences survenues à Cité Soleil
le 12 juillet, lors de la venue d’une caravane du Groupe des 184. Un
de ses avocats a rappelé que, ce jour là,ce sont des partisans
du pouvoir qui avaient fait de nombreux blessés.
>>> Les violences se poursuivent aux Gonaïves à l’approche du Bicentenaire
La situation demeure tendue dans la ville des Gonaïves où, dans
trois semaines, le président Aristide entend bien célébrer
le Bicentenaire de la fondation de l’Etat haïtien. Des activités
seraient prévues aux Gonaïves et à Port-au-Prince dès
le 15 décembre.
Le Front Anti-Aristide, ex-armée cannibale, annonce que quatre de
ses militants ont été arrêtés le 3 décembre.
Au moins l’un d’entre eux, Marc Antoine Joseph alias « Boy »,
serait décédé dans un commissariat de police à la
suite des sévices qu’il a subis. Selon Radio Métropole,
le porte-parole du Front Anti-Aristide, Wenter Etienne, aurait déclaré que
les trois autres militants arrêtés étaient également
morts. Il met le président Aristide au défi de célébrer
le Bicentenaire aux Gonaïves le 1er janvier. Cet ancien partisan de
Lavalas affirme que si le président vient aux Gonaïves, les membres
du Front procéderont à son arrestation.
Wenter Etienne a cependant démenti toute participation des membres
du Front à l’incendie du bâtiment de la Mairie. Des inconnus
ont également mis le feu à des équipements qui devaient
servir à des travaux d’infrastructures. Il y a quelques jours,
un groupe d’hommes s’en est également pris aux travaux
effectués sur la place d’Armes des Gonaïves, là où le
chef de l’Etat compte prononcer son discours le 1er janvier.
Le budget pour la célébration officielle du Bicentenaire va
s’élever à 600 millions de gourdes pour toute l’année
2004. Des chefs d’Etat étrangers sont attendus en Haïti.
Deux journées de gala se tiendront au palais national les 1er et 2
janvier avec la participation d'artistes haïtiens et étrangers.
Des artistes et des intellectuels qui refusent de s’associer à la
commémoration officielle ont l’intention d’organiser de
leur côté une célébration du Bicentenaire.
>>> Jean-Bertrand Aristide veut des élections
dans les premiers mois de 2004
Dans une lettre en date du 28 novembre, dressée au secrétaire
général de l’OEA, le président Aristide se montre
préoccupé par le vide institutionnel qui attend le pays au
début du mois de janvier prochain. Le mandat des députés
arrivera en effet à son terme courant janvier.
Le chef de l’Etat affirme que l’absence de Conseil électoral
provisoire constitue l’une des causes principales de l’insécurité en
Haïti. Selon lui, « quand le peuple haïtien saura que les élections
vont réellement se tenir et que la crise politique sera en passe
d’être résolue, l’on connaîtra une diminution
des actes de violences ». Il indique que la police fait face à un
problème d’effectifs et de ressources ainsi qu’à un
manque de formation. Il estime qu’en dépit de ces problèmes,
la sécurité en Haïti est nettement meilleure que dans
d’autres pays où des élections démocratiques
ont pu se tenir avec succès. Il sollicite donc le soutien technique
et financier de la communauté internationale en vue la tenue d’élections
dans les premiers mois de 2004.
>>> EN BREF
Quatre journalistes de Radio Timoun et de Télé Timoun dénoncent
un complot du pouvoir Lavalas visant à assassiner l’un d’entre
eux. Le crime aurait ensuite été mis sur le compte de l’opposition.
Ces employés de media liés à la Fondation Aristide pour
la démocratie dénoncent certaines pratiques contraires à l’éthique
de leur profession. Les responsables de l’information leur ordonneraient
de grossir considérablement le nombre de manifestants pro Lavalas.
L’autobus à bord duquel les journalistes vont en reportage serait
impliqué dans des « actions louches ». Guy Phéolus,
Tcheïta Vital, Grégory Juste et Ernst Florestal Junior se sont
mis à couvert depuis le 20 novembre.
Le 3 décembre, plus d’un millier de personnes ont gagné les rues de Petit-Goâve pour commémorer le deuxième anniversaire de l’assassinat du journaliste Brignol Lindor et réclamer le départ de Jean-Bertrand Aristide. En dépit de l’intervention violente des partisans du chef de l’État, les manifestants ont pu sillonner les rues de la ville en présence d’observateurs de l’ambassade des Etats-Unis et d’organisations de défense des droits humains. La cérémonie religieuse qui était prévue n’a pas pu se tenir. En effet, des barricades enflammées avaient été dressées devant l’église par des partisans du pouvoir.
Le coordonnateur du parti au pouvoir, Jonas Petit, a affirmé que,
malgré leurs manifestations, les opposants n’obtiendront pas
le départ du chef de l’État. En effet, selon lui, Lavalas
a des racines très profondes et sera encore au pouvoir pendant deux
cents ans.
L’émission Kòn Lanbi (106.3 FM le dimanche à 17 h) fête ses 10 ans le samedi 13 décembre de 18 h 30 à 23 h 30 à l’AGECA, 177 rue de Charonne, 75011 Paris (Métro Alexandre Dumas) : gâteau d’anniversaire, débats, spectacle, exposition.
Haïti Développement organise une soirée le samedi 13 décembre à 18 heures - Salle St Léon, place du Cardinal Amette - Paris 15 e- métro La Motte-Piquet ou Dupleix. Entrée gratuite - Repas créole (PAF 5 euros)
L’assocation ARCHE organise le 14 décembre à 16 heures une kermesse dansante - Bourse du travail de Massy - 14, Chemin des femmes 91 300 Massy - Repas (PAF 3 euros) - informations : 06 63 82 47 34.
L’association Pour Haïti vous invite à une soirée
de réflexion sur le Bicentenaire le 27 décembre, de 19 heures à l'aube,
au CICP 21 ter, rue Voltaire Paris 11e - métro Rue des Boulets - Conférence-débat
- animation - repas (PAF 10 euros).
Un bulletin du Collectif Haïti de France
31, ter rue Voltaire
75011 Paris
01 43 48 31 78
collectifhaiti. : marion@no-log.org
Abonnement : mail 30 euro/an et courrier 55 euro/an.