Une Semaine en Haïti – n° 684– Lundi
14 janvier 2004
Nouvelles manifestations, nouvelles violences
Un mot d'ordre de grève générale entraîne un certain ralentissement des activités
La France appelle au dialogue
Le gouvernement haïtien se félicite de la position prise par Washington
Un policer affirme avoir reçu l'ordre d'assassiner Andy Apaid il y a six mois
>>> Nouvelles manifestations, nouvelles violences
Au début de la semaine dernière, la Plate-forme démocratique avait annoncé une série de mobilisations en chaîne : manifestation à Port-au-Prince mercredi, grève générale jeudi et vendredi, nouvelle manifestation dimanche après une journée de répit pour se ravitailler.
La manifestation de mercredi a été perturbée par la violence de partisans du pouvoir, faisant trois morts et 23 blessés par balles, selon plusieurs sources. Une des victimes ferait partie d'un groupe de civils armés que la police a tenté d'intercepter alors qu'il s'apprêtait à attaquer la manifestation. Après de longues discussions, les policiers ont accepté de prendre quelques dispositions pour protéger la manifestation. Au bout d'un long parcours, les organisateurs ont appelé à la dispersion lorsque des commandos ont commencé à tirer sur les manifestants. Les agresseurs ont échangé des tirs avec des policiers, qui ont décidé de se replier. Des policiers en civil, membres de la sécurité présidentielle, auraient participé à l'attaque. Selon sa famille, un manifestant, Ronald Vermont, aurait été abattu de deux balles par des individus montés à bord d'un véhicule de la Téléco qui ont ensuite emporté le cadavre. Washington a condamné le fait que certains policiers aient collaboré avec des « bandes armées soutenues par le gouvernement » pour attaquer les manifestants.
Selon l'AHP, un jeune homme qui brandissait une photo du président Aristide a subi des sévices de la part de manifestants. Cette agence de presse ajoute qu'un individu se présentant comme étant la victime a déclaré à la radio que ses agresseurs étaient des membres de Lavalas. Toujours selon l'AHP, Paul Denis (Convergence démocratique) aurait affirmé qu'il s'agissait d'un voyou armé qui avait infiltré la manifestation et a été maîtrisé par des policiers.
Dimanche s'est déroulée selon Alterpresse la plus importante manifestation de la décennie. Après quelques jets de pierres, la police a contrecarré toutes les tentatives des proches du pouvoir, parfois armés, qui voulaient perturber la marche, ce qui est nouveau et a été très apprécié. Avant et après la manifestation, des commandos auraient cependant blessé par balles plusieurs personnes. Une des victimes affirme que deux personnes ont été kidnappées.
Des manifestations se sont également déroulées dans plusieurs villes de province le 11 janvier. A Miragoâne un partisan du pouvoir a été tué par balle lors d'affrontements entre des manifestants pro et antigouvernementaux. Des sympathisants de Lavalas ont alors incendié plusieurs maisons, dont celle de l'ancien sénateur Gardy Leblanc et celle de l'influente association KORENIP. Ils auraient également tenté de brûler vif un opposant, qui a été hospitalisé.
>>> Un mot d'ordre de grève générale entraîne un certain ralentissement des activités
Jeudi et vendredi, à Port-au-Prince, les banques commerciales privées n'ont pas ouvert leurs portes, de même que le grand commerce et une partie des écoles. Le commerce informel ainsi que les transports en commun ont fonctionné au ralenti. Les pompes à essence ont en général cessé toute activité. L'administration publique a fonctionné presque comme à l'ordinaire. Le soir du premier jour de grève, la dirigeante politique Claire Lydie Parent, a indiqué que la Plate-forme démocratique «comprend la situation » des gens qui n'ont pas pu cesser leurs activités à cause de leur situation précaire. De son coté le secrétaire d'État à la communication, Mario Dupuy, a qualifié la grève d' « action insurrectionnelle » qui « n'apportera aucun résultat ».
En dehors de la capitale, la grève a été suivie de manière très inégale. Les activités économiques ont en général été peu perturbées. Selon Radio Métropole, aux Gonaïves le mot d'ordre de grève a été respecté dans tous les secteurs. Dans la nuit de mercredi à jeudi, dans cette ville, des inconnus ont mis le feu à deux maisons dont celle du maire-adjoint de la ville.
>>> La France appelle au dialogue
Le 7 janvier, le ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, Pierre André Wiltzer, a déclaré devant les députés : "Nous encourageons les forces en présence c'est-à-dire le gouvernement haïtien du président Aristide, les partis d'opposition et la société civile à accepter un dialogue politique, soit directement, soit en acceptant des médiations comme celles que les Eglises ont proposées. Ce dialogue peut seul ramener la paix civile et définir un calendrier débouchant sur des élections libres". Les violences que connaît l'ancienne colonie française "poussent beaucoup d'Haïtiens à quitter leur pays, et nos départements de Guadeloupe et de Martinique reçoivent une immigration clandestine importante qui pose beaucoup de problèmes", a ajouté le ministre.
>>> Le gouvernement haïtien se félicite de la position prise par Washington
Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent au niveau de la communauté internationale pour appeler à une solution négociée dans la crise haïtienne. Une mission du CARICOM est venue en Haïti pour favoriser un dialogue. Un de ses membres a déclaré qu'il serait préférable que des négociations se tiennent en dehors d'Haïti. De même, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères a prolongé son séjour en Haïti après la célébration du bicentenaire.
Le secrétaire d'Etat américain Colin Powell a appelé les acteurs politiques haïtiens à adopter la proposition de sortie de crise faite par l'Eglise catholique le 21 novembre 2003. . Le gouvernement haïtien s'est réjoui des propos tenus par Colin Powell. Plusieurs évêques ont déclaré depuis que leur proposition était caduque. Le vice-président de la Conférence épiscopale, Mgr Guire Poulard, a précisé que l'Eglise devait cesser de ménager la chèvre et le chou qu'elle dévore.
Les dirigeants de l'opposition qui ont présenté leur propre « alternative de transition », qui passe par la démission du président, restent sur leurs positions. Un porte-parole de la Convergence démocratique, Paul Denis, a estimé que le soutien américain à la proposition de l'Eglise Catholique arrivait trop tard. Victor Benoit a invité le gouvernement américain à « réviser » sa stratégie.
>>> Un policer affirme avoir reçu l'ordre d'assassiner Andy Apaid il y a six mois
Jules Belimaire était au mois de juillet dernier le responsable adjoint du Groupe d'Intervention Départementale de l'Ouest (GIDO). A ce titre, il était l'un des policiers chargés d'assurer la protection du cortège du Groupe des 184 lorsqu'il vint à Cité Soleil au mois de juillet. Il affirme avoir refusé de déclarer lors d'une conférence de presse que le Groupe des 184 avait alors tiré sur la foule. Quelques jours plus tard, l'ancien chef de la police Jean-Claude Jean-Baptiste, un proche collaborateur du président, lui aurait ordonné d'assassiner André Apaid Jr lorsqu'il fut convoqué au Parquet de Port-au-Prince. En cas d'échec, des enfants auraient eu pour mission de s'approcher d'André Apaid Jr. et de lui tirer dessus. Jules Belimaire affirme avoir fait semblant de ne pas reconnaître l'opposant et avoir donné l'ordre de ne laisser personne approcher sa voiture. Il se cache aujourd'hui et appelle ses collègues à quitter comme lui la police.
>>> EN BREF
L'inspecteur Edner Jeanty a été assassiné par balles dans la nuit du 10 janvier, près du Cap Haïtien. Il venait d'être nommé directeur départemental du Nord. Il avait déjà été attaqué lors d'une mission aux Gonaïves le 6 décembre. Des dirigeants de l'opposition et le Conseil supérieur de la police ont condamné cet assassinat.
Le Père Yvon Massac qui avait lancé de graves menaces contre l'opposition est revenu sur ses propos. Il dit avoir parlé sous le coup de l'émotion après les échanges de coups de feu qui ont accompagné le passage du cortège officiel le 1 er janvier aux Gonaïves.
Un membre de la Convergence démocratique, Jean Roussan Montès, arrêté aux Cayes il y a plusieurs jours, n'a été localisé dans aucun commissariat, affirme l'ancien sénateur Paul Denis. Pour lui, le gouvernement est responsable de tout ce qui pourrait lui arriver.
Le Front pour la Démocratie en Haïti organise une manifestation devant l'Ambassade d'Haïti, le jeudi 15 janvier de 15 à 18 heures et une assemblée-débat le samedi 17 janvier à 18 heures à l'AGECA, 177 rue de Charonne, métro Alexandre Dumas.
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