Une Semaine en Haïti – n° 695Lundi 29 mars 2004

Le Collectif Haïti de France et France Amérique Latine organisent une soirée de solidarité avec Haïti sur le thème : « La reconstruction haïtienne, quelle place pour les Haïtiens ? » , le vendredi 2 avril à 19 h à l'Espace Marx, 64 Bd Blanqui, Paris 13 e . Parmi les orateurs : Gérard Pierre Charles (Organisation du Peuple en Lutte, Haïti), Wenefrid Lebrun ( Amnesty International, France).

Situation inquiétante dans plusieurs villes
Selon le gouvernement, Haïti est en état de banqueroute
La Convergence démocratique fait connaître ses revendications
Le parti Fanmi Lavalas tient une conférence de presse
Cinq policiers suspectés d'exécutions sommaires placés en isolement
Arrestation d'un homme de main du pouvoir Lavalas

>>> Situation inquiétante dans plusieurs villes

Les anciens militaires ne font plus parler d'eux à Port-au-Prince. Par contre, des nouvelles inquiétantes arrivent de plusieurs villes de province. Dans la ville des Cayes, des ONG auraient fait parvenir à l'ONU un rapport selon lequel chaque matin des présumés voleurs seraient exécutés sur la place principale de la ville. Au Cap Haïtien, un journaliste a décrit Louis Jodel Chamblain, l'ancien numéro 2 du FRAPH, en train de rendre la justice. Dans cette ville, des exécutions sommaires ont été perpétrées, sans qu'on sache exactement à quelles dates, ni si elles continuent. Selon Joanne Mariner, de l'association de défense des droits de l'homme Human Rights Watch, «  Des sources crédibles disent que des cadavres ont été vus dans la mer », ce que confirment des pêcheurs et des militaires français déployés à Cap Haïtien. Le directeur départemental de la police, Renan Etienne, a indiqué qu'il était au courant de ces informations mais qu'il n'avait pas reçu de plainte. Toujours selon Human Rights Watch, dans le département du Nord des partisans de Lavalas ont été arrêtés et nombreux sont ceux qui se cachent. Selon d'autres sources, les anciens militaires survoleraient la région avec deux hélicoptères.

Une partie des policiers reprennent progressivement leurs postes dans les commissariats qu'ils avaient abandonnés. La coexistence avec les anciens militaires n'est pas toujours facile. A Mirebalais, les anciens militaires auraient désarmé les policiers et installé leur propre commandement. Ils font la loi dans la ville de Ouanaminthe. Dans une partie de Fort Liberté, où un contingent français va s'installer, ce sont des détenus évadés qui font régner la terreur. Dans le Sud-Est, un « Conseil provisoire de la Sécurité » presse les autorités de désarmer les partisans de l'ex président Aristide, qui terroriseraient la population.

 

>>> Selon le gouvernement, Haïti est en état de banqueroute

Le nouveau gouvernement haïtien devra gérer un déficit budgétaire qui se situe entre 3 et 4 milliards de gourdes. Le porte-parole du gouvernement, Robert Ulysse, a parlé d'un « état de banqueroute. » Il a rapporté que les ministères de l'Agriculture, des Affaires sociales et de la Coopération externe se trouvaient dans un état de délabrement exceptionnel. Cette situation résulterait des actes de pillages perpétrés par les partisans de l'ancien président Aristide après son départ. Une quarantaine de responsables de l'ancienne administration, dont Yvon Neptune, ont en conséquence l'interdiction de quitter le territoire.

Les bailleurs de fonds ont proposé à Haïti de mener à bien une évaluation des besoins du pays, dans la perspective d'« un plan de reconstruction à court et moyen terme ». Les Nations unies ont lancé au début du mois un appel pour une aide d'urgence de 35 millions de dollars. Mais à la date du 18 mars, seuls 8,2 millions de dollars avaient été reçus ou promis. Cuba a reproché à l'ONU de ne pas mentionner dans ses documents l'aide importante que fournit à Haïti son équipe médicale, qui comprend 525 personnes. L'Union Européenne a exprimé sa volonté d'entretenir une coopération étroite avec les nouvelles autorités haïtiennes .

Selon des rumeurs, l'avocat Osner Févry, dirigeant du parti démocrate chrétien, aurait profité de sa position auprès du président Boniface pour tenter de prendre une commission sur l'achat de carburant destiné à la compagnie d'électricité, qui est en grande difficulté. Osner Févry accuse ses détracteurs de le calomnier pour mieux accaparer les richesses du pays.

 

>>> La Convergence démocratique fait connaître ses revendications

La Convergence démocratique a tenu une conférence de presse. Elle s'inquiète « du fait que l'action gouvernementale n'est pas intégrée dans un cadre de référence connu de tous. » Selon ses représentants, la priorité du pouvoir de transition doit être l'établissement d'un climat de sécurité et de confiance dans la perspective de l'organisation de bonnes élections. Ils ont rappelé que le délai constitutionnel pour organiser des élections en cas de vacance présidentielle était de 90 jours. Ils estiment que tout prolongement de ce délai doit être le fruit d'un consensus politique. La Convergence démocratique exhorte le président à inviter les institutions et organisations concernées à désigner leur représentant en vue de former le Conseil électoral provisoire dans les plus brefs délais.

 

>>> Le parti Fanmi Lavalas tient une conférence de presse

Trois militants de Fanmi Lavalas, qui ont déclaré être mandatés par leur parti, ont tenu une conférence de presse. Wilfrid Lavaud, l'époux de l'influente militante Sò Anne, Saurel François, qui serait rentré récemment des Etats-Unis, et Samedi Jean-Mary, se sont prononcés, jeudi 25 mars, sur la situation du pays. « L'administration Alexandre-Latortue fait la chasse aux lavalassiens », a critiqué Wilfrid Lavaud, avant de solliciter l'aide de la presse dans la défense des droits de l'homme. Il a appelé tous les proches de l'ancienne administration à déposer les armes, tout se mobilisant pour le retour de l'ancien président et pour préparer de nouvelles élections. Les orateurs ont affirmé leur refus de collaborer avec le gouvernement de transition qu'ils jugent illégal.

Ils se sont dits opposés à une éventuelle dissolution du Sénat. De nombreuses voix se font en effet entendre pour demander la dissolution du Sénat, qui ne comporte plus que 14 membres. Certains proposent un élargissement du Conseil des sages et sa transformation en un Conseil d'Etat qui contrôlerait l'exécutif. Le sénateur Dany Toussaint a présenté sa démission au président du Sénat afin, dit-il, de faciliter la transition.

 

>>> Cinq policiers suspectés d'exécutions sommaires placés en isolement

Cinq policiers, dont un commissaire, ont été placés en isolement par l'inspection générale de la police. Ils sont accusés d'avoir exécuté cinq jeunes de 17 à 24 ans, a expliqué Aliazar Vilès, un des responsables de la Coalition nationale pour les Droits des Haïtiens (NCHR). Un contentieux existait entre ces cinq jeunes, qui étaient membres de Lavalas, et le groupe de policiers, a-t-il ajouté.

 

>>> Arrestation d'un homme de main du pouvoir Lavalas

Un homme de main du président haïtien déchu, Yvon Antoine, a été arrêté sous l'accusation d'association de malfaiteurs. Il est notamment soupçonné d'avoir brisé les deux genoux du recteur de l'Université d'Etat d'Haïti Pierre-Marie Paquiot, le 5 décembre Il était aussi recherché pour son implication présumée dans les violences survenues le 7 mars, à Port-au-Prince. Ce jour-là, des hommes ont ouvert le feu sur la foule à l'issue d'une manifestation, faisant six morts et plus de 30 blessés.

L'ancien député Amanus Mayette et trois de ses présumés complices dans un massacre ayant fait une cinquantaine de victimes ont été entendus par un juge à Saint-Marc. Mais il a fallu que le juge monte à bord de l'hélicoptère qui les avait amenés de Port-au-Prince, car une foule importante demandait que l'ancien député lui soit livré.

 

>>> EN BREF

  Des militaires américains ont ouvert le feu sur deux jeunes Haïtiens qui auraient refusé de s'arrêter à un barrage et qui ont été grièvement blessés. La force multinationale en Haïti "n'est pas une force d'occupation" (comme l'a notamment affirmé la Plate-forme des droits humains) mais est là pour "stabiliser" le pays « en attendant le déploiement de la mission de paix de l'ONU le 1er juin », a affirmé son commandant en chef, le général américain Ronald Coleman. Il a précisé que le désarmement n'entrait pas dans ses missions, mais a lancé cependant « un appel à la collaboration de la population pour retrouver les caches d'armes ».

  Action contre la faim (ACF) a mis en garde contre une détérioration de la situation alimentaire en Haïti, particulièrement aux Gonaïves, où cette organisation a mis en place un programme d'urgence. Les denrées de base ont augmenté en moyenne de 20 %, le carburant de 250 % en moins de trois semaines, et de nombreux emplois ont été perdus, souligne ACF.

Les dirigeants des 15 pays de la CARICOM ont décidé d'attendre leur prochaine réunion avant de prendre une décision concernant la reconnaissance du gouvernement haïtien. "Nous ne croyons pas possible une solution permanente en Haïti sans une implication de la Caricom", a souligné le premier ministre de la Jamaïque. Il est notamment reproché au premier ministre Gérard Latortue, déjà en froid avec la CARICOM, d'avoir qualifié de « combattants de la liberté » les insurgés des Gonaïves lors de sa visite dans cette ville. Cette attitude a également été très critiquée en Haïti même et à Washington.

Le dollar américain connaît une baisse spectaculaire sur le marché haïtien. Jeudi 25 mars, le billet vert se vendait à 25 gourdes dans certaines banques commerciales de la capitale.

  ERRATUM : contrairement à ce que nous indiquions dans notre dernier numéro, le ministre de l'Economie Henry Bazin n'a jamais été membre d'un gouvernement. Veuillez nous excuser de cette confusion !

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