Une Semaine en Haïti – n° 696Lundi 05 avril 2004

Le gouvernement Latortue à la recherche d'une aide internationale

Le ministre de l'Intérieur au centre de plusieurs polémiques

Le rétablissement de la sécurité en bute à des problèmes d'effectifs

Jean-Bertrand Aristide pourrait être inculpé par la justice de plusieurs pays

Le parti Fanmi Lavalas affirme être persécuté

La police haïtienne démantèle un gang à Pétion Ville

•  Le gouvernement Latortue à la recherche d'une aide internationale

Le gouvernement Latortue s'active à convaincre la communauté internationale de reprendre la coopération avec Haïti. Il souhaite une coopération en vue d'un développement durable, a précisé son porte-parole Robert Ulysse. Des démarches sont notamment menées auprès de l'Union européenne. L'envoyé sur place des Nations Unies, Reginald Dumas, a déclaré que la situation exigeait un engagement international envers Haïti pour au moins 20 ans. Le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, devait se rendre en Haïti le 5 avril pour une visite d'une journée et rencontrer des membres du gouvernement provisoire. Officiellement, il comptait "s'informer personnellement des efforts américains et internationaux pour stabiliser le pays et répondre aux besoins humanitaires du peuple haïtien". Une visite en Haïti de l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, prévue le 1er avril, a été annulée en raison du remaniement gouvernemental en France.

Dans le bassin caraïbe, le gouvernement haïtien se trouve dans une situation délicate depuis que les responsables des Etats de la CARICOM ont décidé de lui tourner le dos. Au Venezuela, le président Hugo Chavez a qualifié le gouvernement haïtien d'imposteur.

•  Le ministre de l'Intérieur au centre de plusieurs polémiques

La livraison d'une cargaison de carburant pour les moteurs de l'Electricité d'Haïti (EdH) soulevait bien des interrogations au début de la semaine dernière, avant que le ministre de l'Intérieur, Hérard Abraham, ne donne la clé du mystère.

L'EdH affirmait ne pas être à l'origine de cette commande d'un montant de 235 000 dollars américains. Elle indiquait ne pas être en mesure de payer la facture, d'autant plus que le prix demandé était plus élevé que le prix pratiqué habituellement. Le directeur de la société Dinas, qui avait livré le carburant, déclarait quant à lui, que la commande avait été placée par la direction de l'EdH.

Mardi, le ministre de l'Intérieur Hérard Abraham annonça qu'il était à l'origine de la commande de carburant. Il a déclaré que le 12 mars, alors qu'il n'était pas encore entré en fonction, il avait pris contact avec des fournisseurs de carburant afin d'atténuer les effets du « black-out » dans la région métropolitaine. Il s'agissait, disait-il, d'un problème de sécurité publique. Il a expliqué qu'il avait pris cette initiative en tant que citoyen soucieux des intérêts de son pays.

Le ministre de l'Intérieur a pris une autre initiative, qui a soulevé la polémique. Comme il voulait rendre visite à la Faculté des Sciences Humaines, des policiers lourdement armés l'y ont précédé pour veiller à sa sécurité. Cette intrusion de policiers dans une faculté a suscité la colère des étudiants. Le ministre a annulé sa visite.

•  Le rétablissement de la sécurité en bute à des problèmes d'effectifs

Le commissariat de la ville des Cayes est à nouveau occupé par des policiers. Selon la direction de la police, il faudra plusieurs mois avant que tous les postes de police soient à nouveau en fonction. A ce jour, un grand nombre de policiers n'ont pas repris contact avec leur hiérarchie. Selon un officier français, la population de certaines petites villes aurait reconstruit les commissariats afin d'inciter les policiers à y revenir.

Le ministre de l'Intérieur, Hérard Abraham, a annoncé l'adoption de mesures pour sécuriser la frontière haïtiano-dominicaine. Il a dit compter sur l'intégration probable d'anciens militaires pour pallier le problème d'effectif. Selon lui, ceux qui se révèleront coupables de crimes ou autres exactions, ne pourront en aucun cas faire partie de la police.

Guy Philippe a soumis aux autorités haïtiennes une liste de 1500 anciens militaires qui, selon lui, n'ont pas commis de forfait. Au Cap Haïtien, il a déclaré à ses hommes qu'ils seraient intégrés à la police ou dans un corps spécial. Ils pourraient notamment s'occuper de reboisement. En attendant, ils se sont installés dans le port du Cap Haïtien, et font payer une taxe aux usagers.

Il y aura "des exactions" en Haïti tant qu'un désarmement des milices ne pourra être engagé, a déclaré le chef d'état-major des armées françaises, le général Henri Bentégeat. "Ce désarmement, nous envisageons de le lancer en nous appuyant sur la police mais nous ne pouvons pas, avec les effectifs et le mandat que nous avons, l'engager réellement", a-t-il affirmé. "Nous n'avons pas les moyens financiers qui permettraient de lancer une opération du type de celle qu'on lance en Côte d'Ivoire", a-t-il ajouté.

•  Jean-Bertrand Aristide pourrait être inculpé par la justice de plusieurs pays

Dans les semaines à venir, les autorités haïtiennes vont nommer une commission indépendante chargée d'enquêter sur les accusations de détournements de fonds et d'assassinats qui pèsent sur Jean-Bertrand Aristide, a expliqué le ministre de la Justice, Bernard Gousse. Le gouvernement haïtien prévoit de demander ensuite son extradition. Il a précisé que vu l'état de la justice et de la police, il faudra des mois avant de pouvoir traiter le cas des anciens militaires et paramilitaires accusés d'atteintes aux droits de l'Homme.

Pour sa part, la justice américaine a ouvert une enquête sur d'éventuels liens entre l'ex-président et des trafiquants de drogue. "Ce sont les premières étapes" de l'enquête et il est encore prématuré d'affirmer quoi que ce soit "mais il est vrai que nous enquêtons" a indiqué une source judiciaire.

Le Miami Herald cite des responsables en Floride et à Washington, selon lesquels des proches d'Aristide, ainsi que son épouse, disposeraient de près de 250 millions de dollars dans des banques européennes.

•  Le parti Fanmi Lavalas affirme être persécuté

Le Premier ministre Gérard Latortue a demandé au parti Fanmi Lavalas de lui indiquer le nom de son représentant au sein du Conseil Electoral Provisoire en formation. Le sénateur Yvon Feuillé a répondu que son parti est victime d'une campagne de persécution et d'assassinats. Tant que des mesures ne seront pas prises pour rétablir la sécurité, Fanmi Lavalas affirme ne pas être en mesure de se réunir pour choisir un représentant au Conseil Electoral.

L'ancien premier ministre Yvon Neptune a déclaré à l'agence Reuters qu'il se cachait car les anciens militaires veulent l'arrêter afin de l'éliminer. Il a ajouté qu'il ne voulait pas de la protection de la police, car il s'en méfie. Il ne veut être protégé que par la force internationale. Il soutient que les nouvelles autorités veulent persécuter les lavalassiens, sans réellement vouloir faire la lumière sur les faits qui leur sont reprochés. Il affirme qu'il veut rester en Haïti, arrêter ses activités politiques, et reprendre son métier d'architecte. Le premier ministre Gérard Latortue a répondu qu'il n'y a aura pas de chasse aux sorcières, et qu'en cas de problème, Yvon Neptune peut se tourner vers la justice.

Le cabinet du président provisoire a publié la liste des employés de l'administration Aristide qui continuent de garder les matériels mis à leur disposition après la date limite qui leur avait été fixée. L'ancien juge instructeur Claudy Gassant, a dénoncé le caractère arbitraire et inconstitutionnel de la mesure d'interdiction de départ adoptée à l'encontre de certains responsables de l'administration Aristide.

•  La police haïtienne démantèle un gang

La police haïtienne a annoncé mercredi l'arrestation de sept personnes accusées d'avoir commis des enlèvements et d'avoir des liens avec des gangs criminels en Colombie et aux Bahamas. Selon la police, parmi les détenus se trouvent Patrice Elie, propriétaire d'un club de Pétion-Ville et neveu de Gladys Lauture, une proche de Jean-Bertrand Aristide. Le réseau disposait apparemment d'importants moyens de fonctionnement incluant des armes de guerre hautement sophistiquées, de puissants moyens de communication, des radios de la Police Nationale d'Haiti et de la fausse monnaie. L'inspecteur de police Fred Altidor, affecté au Bureau de Lutte contre le Trafic des Stupéfiants (BLTS) a été placé en isolement après avoir été interrogé sur son implication dans les activités du gang.


•  Le juge d'instruction Naplas Saintil a été agressé à Port-au-Prince. Les agresseurs ont reproché au juge d'avoir fait condamner à la prison à vie Louis Jodel Chamblain, l'ex-numéro 2 du FRAPH lors du procès de Raboteau.

•  Le ministre de la Justice, Bernard Gousse, a demandé un rapport à l'ambassadeur américain James Foley sur les cas de personnes tuées ou blessées par des soldats nord-américains. Des habitants du quartier du Bel-Air affirment que, début mars, plusieurs dizaines de personnes ont été tuées après que des soldats américains aient été la cible de tirs.

•  Au nom de Jean-Bertrand Aristide, Me Gilbert Collard a déposé plainte à Paris contre X pour "menaces, menaces de mort, enlèvement et séquestration". La plainte évoque l'ambassadeur de France en Haïti, Thierry Burkard, l'ambassadeur des Etats-Unis James Foley, l'écrivain français Régis Debray et la soeur de Dominique de Villepin, Véronique Albanel. Selon Me Collard, ces quatre personnes se seraient rendues coupables d'intimidations à l'encontre d'Aristide dans le but de le pousser à quitter Haïti.

•  Selon Alterpresse, qui cite les propos d'un membre du Regroupement démocratique populaire (une plate-forme d'associations), un groupe de partisans armés de Lavalas sème la terreur dans la commune de Plaisance (Département du Nord). On compterait déjà trois morts à leur actif, dont un policier. Ce serait la première fois qu'un policier est tué dans des combats avec des partisans de Jean-Bertrand Aristide. Le groupe serait lié au Parti populaire national, dirigé par Ben Dupuy.

•  Depuis le départ de Jean-Bertrand Aristide, les enlèvements et les activités criminelles se multiplient. Ils sont en général imputés aux « chimères » ou aux anciens militaires. Plusieurs femmes ont été violées lors du cambriolage de plusieurs maisons de la Plaine du Cul-de-Sac. Selon l'AHP, les agresseurs étaient vêtus d'un treillis semblable à celui de l'ancienne armée.

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