Une Semaine en Haïti – n° 697Lundi 12 avril 2004

Signature d'un accord sur la transition politique

Colin Powell a effectué une visite de quelques heures en Haïti

Arrestation de l'ancien ministre de l'Intérieur

Deux anciens rebelles interpellés par la force internationale

Célébration de la journée nationale des femmes haïtiennes

 

>>> Signature d'un accord sur la transition politique

Le premier ministre Gérard Latortue a annoncé lundi 5 avril qu'un accord politique avait été conclu la nuit précédente entre les partis politiques haïtiens et les représentants de la « société civile ». Il a fait cette annonce au cours d'une conférence de presse conjointe tenue avec le chef de la diplomatie américaine Colin Powell, présent ce jour là à Port-au-Prince. L'accord prévoit notamment la tenue d'élections générales en 2005. Gérard Latortue a fait remarquer que "le nouveau président pourra entrer en fonction au plus tard le 7 février 2006", date à laquelle expirait le mandat de Jean-Bertrand Aristide.

L'accord a été signé le mardi 6 avril au Palais national. Le document intitulé « consensus de transition politique » a été paraphé par le gouvernement, des représentants de la société civile, des partis politiques et des membres du Conseil des Sages. Le parti Fanmi Lavalas et certains secteurs de l'opposition ne figurent pas parmi les signataires. Fanmi Lavalas affirme ne pas avoir été invité aux négociations. Danièle Magloire, qui représente le secteur des droits humains dans le Conseil des Sages, n'a pas signé le texte, selon Haïti Progrès. Le 6 avril, le président provisoire Boniface Alexandre a invité tous les partis politiques à signer le document.

Dans le document, le gouvernement intérimaire s'engage à combattre l'insécurité par le désarmement des groupes armés illégaux et la réorganisation de la police nationale. Des commissions vont être mises en place sur les cas d'assassinats et de viols de ces dernières années, sur la gestion de l'Etat par Lavalas et sur la question des Forces armées.

Les autorités se sont notamment engagées à entamer des discussions avec les Nations Unies sur le statut de la force multinationale et la mission de paix qui doit lui succéder. Le gouvernement affirme sa volonté de combattre l'impunité, de travailler à l'intégration des anciens rebelles dans la vie nationale et de créer des conditions propices à l'approfondissement des réflexions sur la tenue d'une conférence nationale et sur un nouveau contrat social. Le Conseil des Sages sera consulté sur toutes les questions importantes, notamment les projets de budget, d'accords et de décrets.

Le gouvernement va nommer des commissions pour gérer les communes et les sections communales jusqu'aux prochaines élections. Les membres du gouvernement de transition et du Conseil des Sages ne pourront pas faire partie du gouvernement issu des élections.

>>> Colin Powell a effectué une visite de quelques heures en Haïti

Le chef de la diplomatie américaine, le secrétaire d'Etat Colin Powell, a effectué, le lundi 5 avril, une visite de quelques heures à Port-au-Prince. Il s'est félicité de la conclusion de « l'accord sur la transition politique » signé la veille.

Il a annoncé que les Etats-Unis allaient fournir au cours de l'année une aide humanitaire d'une valeur de 55 millions de dollars. « Nous allons travailler dur pour la réintégration d'Haïti à la CARICOM » a-t-il déclaré. Il a rejeté toute d'idée d'enquête sur les circonstances qui ont entouré le départ de l'ex-président Aristide. Lors d'une conférence de presse, il s'est montré prudent sur l'inculpation éventuelle de l'ancien président pour trafic de la drogue. « Il faut attendre les résultats de l'enquête », a-t-il indiqué, ajoutant que l'ancien chef d'Etat appartenait maintenant au passé.

Interrogé sur la proposition de reconstitution de l'armée, Colin Powell a plaidé en faveur d'une « force de police professionnelle, sûre d'elle et équipée ». Selon lui, les discussions concernant une armée ne devraient être menées qu'après la tenue d'élections et la mise en place d'un gouvernement élu. Il a indiqué que « la communauté internationale n'appuiera pas le développement d'Haïti si les gangs sont toujours armés, si les criminels courent les rues les armes à la main ».

Le département d'Etat a annoncé que les Etats-Unis allaient fournir dans l'immédiat une équipe de sept conseillers en matière de sécurité. Deux d'entre eux aideront le directeur général de la police. L'un d'eux assistera le ministre de l'Intérieur en matière de planification et de coordination avec les organismes internationaux.

Le 15 avril, la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, effectuera une visite en Haïti au cours de laquelle elle rencontrera les nouveaux dirigeants. Elle aura été précédée une semaine auparavant par son homologue canadien.

>>> Arrestation de l'ancien ministre de l'Intérieur

L'ancien ministre de l'Intérieur du gouvernement Neptune, Jocelerme Privert, a été arrêté à Port-au-Prince. Le ministre de la justice Bernard Gousse a indiqué qu'un mandat d'arrêt avait été émis contre lui par le juge d'instruction de Saint-Marc. Il est accusé d'être impliqué dans me massacre qui aurait été commis à Saint-Marc dans le quartier de la Syrie en février dernier.

Accusé de pratiquer une chasse aux sorcières, Bernard Gousse a rétorqué que si c'était le cas, on assisterait à des vagues d'arrestations et à des révocations en masse dans l'administration publique.

>>> Deux anciens rebelles interpellés par la force internationale

La force armée internationale a mené pour la première fois des opérations visant des membres de groupes armés anti Aristide. Les soldats français et la police ont arrêté pendant quatre heures Wilford Ferdinand, dit Ti Will, un chef des rebelles des Gonaïves, accusé d'avoir arrêté un policier. Il a affirmé avoir enlevé le policier pour éviter qu'il ne soit lynché. Dix armes ont été saisies à cette occasion. Winter Etienne ex-porte-parole du Front de résistance s'est plaint des méthodes brutales employées pour arrêter Ti Will. A Ouanaminthe, le dénommé Jean Robert, qui s'est évadé de prison le 18 février, avec plusieurs dizaines de détenus, dirigeait depuis un groupe qui terrorisait notamment les partisans de Lavalas dans le département du Nord Est. Cet homme très connu dans le département pour ses actes de banditisme a été arrêté par les soldats américains et français la semaine dernière. Il a été transféré à Port-au-Prince. Dans un rapport publié à l'issue d'une mission en Haïti, Amnesty International se montre très critique à l'encontre de la force multinationale à qui il est reproché de n'avoir fait aucune tentative sérieuse pour désarmer les bandes armées de concert avec la police.

>>> Célébration de la journée nationale des femmes haïtiennes

A l'initiative de la Coordination nationale de plaidoyer pour les Droits des Femmes (CONAP), plus de 500 femmes et hommes, selon Alterpresse, se sont réunis, le samedi 3 avril à la place Catherine Flon, au Champ de Mars. En 2000, la date du 3 avril avait été décrétée, par un groupe de féministes, journée nationale des femmes haïtiennes, en souvenir de la grande manifestation qu'elles avaient organisée à la même date en 1986. Invoquant Catherine Flon, héroïne de l'Indépendance qui avait cousu le premier drapeau haïtien en 1803, les féministes ont demandé au peuple haïtien de recoudre le tissu social aujourd'hui en lambeaux. « Nos mauvaises pratiques politiques nous ont conduit tout droit vers l'abîme et ont fourni à l'étranger le prétexte pour nous occuper une troisième fois » a-t-il été affirmé. Tout au cours de la commémoration, les cris de « A bas l'occupation, vive une Haïti libre ; nous voulons la coopération et non l'occupation », ont été lancés à maintes reprises. Une bonne partie de l'assistance était composée d'étudiantes et étudiants ayant lutté pour chasser l'ex président Aristide du pouvoir. On remarquait la présence de la ministre à la Condition féminine, Adeline Chancy, de la secrétaire d'Etat à la Culture, Magalie Comeau Denis et du secrétaire d'Etat à l'Environnement, Yves André Wainright.

>>> EN BREF

Des membres de l'organisation RAMICOS proche de l'ancienne opposition, ont empêché l'installation d'un nouveau commissaire du gouvernement à Saint-Marc, Me Wisvick Mathieu Baugé. Ils lui reprochent d'avoir empêché le bon fonctionnement de la justice dans la ville.

La Coalition nationale pour les Droits des Haïtiens (NCHR), s'est déclarée scandalisée par les déclarations du ministre de la Justice, Bernard Gousse. Il aurait déclaré que le gouvernement pourrait étudier la possibilité de faire grâce à Jean Tatoune, qui a été condamné pour sa participation au massacre de Raboteau.

Un responsable du Parti populaire national (PPN), a dénoncé une campagne visant à ternir l'image du parti et à le présenter comme un parti terroriste. Il s'en est notamment pris à une information diffusée par l'agence Alterpresse sur des actions armées menées à Plaisance par des partisans d'Aristide.

Les moteurs des différentes centrales thermiques de Port-au-Prince ne tournent plus faute de carburant. Les différents quartiers de la capitale ne reçoivent en moyenne que deux ou trois heures d'électricité par jour. Même les zones dites prioritaires font aujourd'hui l'expérience du black-out prolongé. L'EDH a besoin d'environ 125 mégawatts pour alimenter la région de Port-au-Prince jusqu'à Léogâne. Elle ne disposerait plus que des 8 ou 10 mégawatts fournis par le barrage de Péligre.

Une commission d'enquête internationale sur les conditions de son départ a été mise en place par des partisans de Jean-Bertrand Aristide, dont Ramsey Clark, un ancien ministre de la Justice nord-américain. Lors d'une conférence de presse, un de ses membres, un prêtre anglican portoricain, a affirmé que les « rebelles » haïtiens ont été entraînés en République dominicaine par des soldats nord-américains.

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