Une Semaine en Haïti – n° 698– Lundi
19 avril 2004
Plus d'une centaine de cadres supérieurs de la police ont été révoqués
Le parti Lavalas a jusqu'au 19 avril pour désigner un délégué au CEP
Le ministre français de la Défense en visite en Haïti
Michèle Alliot-Marie souhaite «une coopération extrêmement étroite »
>>> Plus d'une centaine de cadres supérieurs de la police ont été révoqués
Le Conseil supérieur de la police nationale, qui est présidé par le premier ministre, a examiné les dossiers de principaux cadres de cette institution. 120 à 150 policiers, selon les sources, ont été révoqués. Les raisons suivantes sont invoquées : abandon de poste, promotion irrégulière, non respect du code de déontologie de la police nationale
La Coalition nationale pour les droits des Haïtiens (NCHR), a salué cette décision du gouvernement Latortue. Un de ses responsables invite les autorités à traduire en justice les policiers coupables d'actes illégaux. En même temps, elle déplore que rien n'ait encore été fait pour appréhender les ex « rebelles » Louis Jodel Chamblain et Jean Tatoune.
La direction générale de la police prévoit de recruter une partie des anciens militaires. Un avis serait bientôt publié pour inviter les anciens militaires de moins de 45 ans à poser leur candidature. Toutefois, ceux sur qui pèsent des accusations de violation de droits humains ne seront pas acceptés, a averti un des responsables de la police.
Un des responsables du département d'Etat américain, Roger Noriega, a déclaré à ce sujet que « les Etats Unis et la communauté internationale ne fourniraient aucune assistance financière ou technique à la police nationale si l'institution renferme dans son sein des éléments impliqués dans des cas de criminalité et de violation des droits humains ».
Les anciens militaires s'impatientent. Au Cap Haïtien, selon Haiti Press Network, une cinquantaine d'entre eux, ont réclamé leur intégration au sein de la police lors d'une manifestation. Cette manifestation, à laquelle plusieurs centaines de personnes auraient pris part, protestait contre le laxisme des militaires français et des policiers haïtiens face à la montée de l'insécurité dans la ville. Au Cap Haïtien, la cohabitation entre les ex-rebelles et le contingent français présent sur le terrain serait d'ailleurs de plus en plus difficile. Les anciens militaires et ex rebelles auraient été contraints de quitter la douane du Cap-Haïtien où ils s'étaient installés. Un responsable du contingent français les a appelés à déposer leurs armes.
C'est peut-être ce qui va se passer le 18 mai aux Gonaïves. Le porte-parole du Front de résistance, Winter Etienne, a en effet annoncé que son mouvement allait remettre ses armes lors d'une cérémonie qui se tiendra à cette date. Mais, il n'a parlé que de 21 armes. Il a également indiqué que 156 plaintes pour meurtres et violations des droits de l'Homme allaient être déposées contre des partisans de Lavalas par des habitants des Gonaïves.
>>> Le parti Lavalas a jusqu'à 19 avril pour désigner un délégué au CEP
Le président Boniface Alexandre a rencontré il y a une semaine des dirigeants du parti Fanmi Lavalas. Ils refusent de se faire représenter au conseil électoral provisoire (CEP) car, selon eux, leur parti est persécuté et serait donc dans l'impossibilité de mener une campagne électorale . Le sénateur Yvon Feuillé a exigé la libération des détenus lavalas et la levée des sanctions prises contre des fonctionnaires de l'ancien régime. Il a également dénoncé les perquisitions faites par la police dans les résidences de plusieurs sénateurs, jouissant pourtant de l'immunité parlementaire. Des véhicules mis à leur disposition auraient été saisis.
Dans une lettre à Yvon Feuillé, le premier ministre Gérard Latortue affirme que des mesures appropriées seront prises au cas où les sympathisants de Fanmi Lavalas seraient victimes d'agressions.
Il a donné un délai expirant lundi 19 avril à l'ex-parti au pouvoir pour désigner son représentant au CEP. Après cette date, les autres secteurs combleront le vide, a affirmé Gérard Latortue, qui se réfère à des règles établies il y a quelques années pour la formation du CEP.
Selon l'AHP, des habitants de Jérémie dénoncent une campagne d'assassinats, d'arrestations et de persécutions contre les partisans de Lavalas. En revanche, des habitants de Martissant se plaindraient de la présence de civils armés, présumés partisans de l'ancien régime, qui terroriseraient la population. Ils dénoncent l'ancien député Simpson Libérus, qu'ils accusent de distribuer des armes et des munitions à ses partisans.
>>> Le ministre français de la Défense en visite en Haïti
Jeudi 15 avril, à l'issue d'une visite d'une journée, le ministre français de la Défense, Michèle Alliot-Marie, a souligné que sa venue en Haïti apportait "un message d'amitié et de solidarité de la France à l'égard du peuple haïtien et de son gouvernement après une crise qui a fortement secoué le pays". "C'est également un message de notre volonté de nous engager aux côtés du peuple haïtien sur une longue durée pour l'aider à assumer la reconstruction de son pays", a-t-elle ajouté.
Elle s'est entretenue avec les nouveaux dirigeants haïtiens et a inspecté les troupes françaises de la Force intérimaire, qui sont présentes à Port-au-Prince et dans le nord du pays. Elle a indiqué que la France participerait également mais "dans une moindre mesure" à la force des Nations unies qui, le 1 er juin, doit prendre la relève de la force multinationale actuelle. Elle a jugé qu'une présence prolongée du millier de soldats français "ne paraît pas nécessaire". "Les quelques semaines qui restent doivent permettre de conforter la situation, et il y aura ensuite un autre type de force à laquelle nous contribuerons avec des pays du continent sud-américain", a-t-elle précisée. La force déployée par l'ONU pourrait être en effet composée majoritairement de Latino-américains et avoir un commandant brésilien.
Michèle Alliot-Marie s'est dite satisfaite des "liens de confiance très directs" établis par les militaires français avec la population haïtienne. Selon elle, "les relations entre militaires américains et français sont données en modèle et reconnues comme excellentes par les autorités civiles et militaires des deux pays ». Pour sa part, le général américain Ronald Coleman a déclaré que chaque fois que les forces françaises et américaines travaillent ensemble, leur collaboration est « magnifique ».
>>> Michèle Alliot-Marie souhaite le « redémarrage d'une coopération extrêmement étroite »
Michèle Alliot-Marie et le premier ministre Gérard Latortue ont évoqué l'aide civile que la France propose d'apporter à Haïti, notamment pour la préparation des élections, le renforcement des institutions et le développement économique. "Nous essaierons également de leur apporter notre appui dans les domaines de la reconstruction de la police et de la justice, de l'éducation, de la santé et dans des domaines techniques tels que la reconstruction des routes", a précisé le ministre français. "La France va nous aider aussi dans l'évaluation des anciens insurgés que nous essayons d'intégrer dans l'armée", a déclaré à la presse Gérard Latortue.
>>> EN BREF
De nouveaux directeurs généraux ont commencé à prendre place dans les ministères et les entreprises publiques. Le coordonnateur des partis non-alignés, Osner Févry, estime qu'une seule famille politique est aujourd'hui détentrice du monopole de la nomination des directeurs généraux et des ministres. Il réclame la participation de son regroupement politique au gouvernement de transition.
Leslie Manigat, juge "inacceptable" l'exclusion de son parti, le Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), des négociations ayant mené à la signature de l'accord dit "consensus de transition". Par ailleurs, il estime "que l'occasion était propice pour reconsidérer la composition du conseil électoral provisoire dans un sens plus équitable".
Le responsable de la Coalition nationale pour la défense des haïtiens (NCHR), Pierre Espérance, a visité l'ancien ministre de l'Intérieur Jocelerme Privert, actuellement détenu au pénitencier national. Jocelerme Privert a nié toute participation au massacre qui se serait déroulé à Saint-Marc à la mi-février, et qui est le principal motif de son arrestation. La NCHR fait état de 50 victimes mais des journalistes affirmeraient n'avoir vu que les cadavres calcinés de cinq personnes.
Un employé de sécurité de l'Office National d'Assurance (ONA) a été arrêté à Mirebalais par d'anciens militaires qui l'accusent de détenir une arme illégale. Il aurait subi des sévices au cours de sa détention.
Les cours n'ont pas repris à l'INAGHEI (Institut national d'administration de gestion et des hautes études internationales), saccagé le 5 décembre par des « chimères », et à la faculté d'Agronomie et de médecine vétérinaire, pillé fin février. Les travaux de réparation sont estimés à plus de 4 millions de dollars.
Jean-Bertrand Aristide pourrait quitter la Jamaïque cette semaine et partir en exil en Afrique du Sud, a déclaré un responsable jamaïcain. Selon lui, l'ancien président a prévu de donner une conférence de presse avant son départ.
Le nouveau représentant d'Haïti auprès de l'Organisation des Etats américains (OEA), Duly Brutus, a affirmé que Port-au-Prince ne comptait pas rompre avec la CARICOM.
L'ONU n'a reçu que 7 millions de dollars sur les 35 millions demandés au début du mois de mars. Cet argent est destiné à assurer les besoins prioritaires de plus de 3 millions d'Haïtiens pendant six mois.
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