Une Semaine en Haïti – n° 699– Lundi
27 avril 2004
L'ancien numéro 2 du FRAPH se constitue prisonnier
L'action de groupes armés alimente les tensions et les craintes
Le gouvernement accorde un nouveau délai au parti Fanmi Lavalas
Victoire syndicale dans la zone franche de Ouanaminthe
Les Nations unies se préparent à prendre le relais de la Force multinationale
>>> L'ancien numéro 2 du FRAPH se constitue prisonnier
Louis Jodel Chamblain, un des dirigeants des anciens militaires, s'est constitué prisonnier jeudi 22 avril. Il dit faire confiance à la justice de son pays et espérer que son geste "servira d'exemple aux responsables du régime déchu" qui ont commis des "exactions". Il est détenu à Pétionville.
Ancien sergent de l'armée haïtienne et numéro 2 de l'ex FRAPH, il a été condamné deux fois par contumace à la détention à perpétuité, pour sa participation au massacre de Raboteau et pour le meurtre d'Antoine Izméry. Il est soupçonné d'avoir pris part à d'autres assassinats. Ayant été condamné par contumace, il va pouvoir être jugé à nouveau, comme le prévoit la législation haïtienne. La veille de son incarcération, il a participé à une réunion avec le ministre de la Justice, Bernard Gousse, et le directeur général de la police, Léon Charles.
C'est « un acte de sagesse », a commenté Jean-Claude Bajeux du Centre oecuménique des Droits humains. Pierre Espérance, de la Coalition pour les Droits des Haïtiens (NCHR), semble craindre que des promesses aient été faites à Louis Jodel Chamblain. Il a mis en garde contre une « comédie de justice ».
>>> L'action de groupes armés alimente les tensions et les craintes
Le climat social demeure fragile dans plusieurs zones, par suite de l'action de différents groupes armés. Le porte-parole du Rassemblement démocratique et populaire (RDP), Anthonal Mortimé, maintient qu'à Plaisance, des violences, qui ont fait 3 morts, ont été causées par des membres du Parti populaire national, un allié de Fanmi Lavalas. Les familles des victimes, qui ont donné une conférence de presse, confirment ces accusations et envisagent d'intenter une action en justice.
Le contingent chilien s'est installé dans le commissariat de la ville de Hinche, qui était occupé par des anciens militaires. Ces derniers ont abandonné leur uniforme militaire comme promis, mais continuent à circuler en armes. Plus généralement, les tensions restent vives dans le Plateau central, où les forces rebelles sont toujours en position de force. Les anciens militaires de plusieurs zones auraient annoncé leur intention de participer aux prochaines élections et leur refus de déposer les armes. Exigeant la reconstitution de l'armée, ils refuseraient d'intégrer la police nationale. D'autres groupes armés sont également actifs. A Savanette, le 1 er avril, une personne a été tuée et 3 autres blessées lorsqu'un groupe de civils armés, muni du mandat d'un juge est intervenu dans un conflit terrien. Le lendemain, des anciens militaires arrêtaient le présumé meurtrier.
Des cas d'agression liés à des conflits terriens ont été également signalés dans d'autres départements. On ne compte plus les abus commis dans les localités où les policiers n'ont pas encore repris leurs fonctions, tandis qu'à Port-au-Prince, les enlèvements se multiplient. Au Cap-Haïtien, Robert Jean, un ex-rebelle a été arrêté par le contingent français Il est accusé d'avoir commis des exactions sur la population, et d'avoir participé à des enlèvements et des vols de voitures.
Le secrétaire général de l'Association des journalistes, Guiler Delva, a dénoncé les menaces de mort dont sont l'objet des journalistes et des correspondants de presse favorables à Lavalas. L'un d'eux a été enlevé à Mirebalais puis relâché.
Selon Amnesty International, les responsables du Comité des avocats pour le respect des libertés individuelles (CARLI) sont l'objet de menaces de mort pour avoir pris en main le cas d'une jeune femme, Carline Séide. Elle a été violée par 7 individus, dont un policier, en novembre 2003.
>>> Le gouvernement accorde un nouveau délai au parti Fanmi Lavalas
En dépit de 13 heures de réunion, le premier ministre et les dirigeants de Fanmi Lavalas ne sont pas parvenus à un accord le lundi 19 avril. Le gouvernement demande à Fanmi Lavalas de désigner son représentant au Conseil électoral provisoire d'ici le 30 avril. Le parti de l'ancien président refuse cet ultimatum.
Selon le texte en discussion, le gouvernement prendra des mesures pour désarmer tous les groupes civils et les citoyens non autorisés Il s'engage également à rappeler que la police doit protéger les membres de partis politiques et plus particulièrement ceux de Fanmi Lavalas.
Le gouvernement se dit prêt à former une commission de trois membres, composée de représentants du premier ministre, de Fanmi Lavalas et de l'OEA. Elle serait chargée de vérifier la légalité des mesures prises à l'encontre de membres de Fanmi Lavalas. Il semble que ce parti ne veuille pas désigner de représentant au CEP tant que cette commission n'aura pas commencé à fonctionner.
>>> Victoire syndicale dans la zone franche de Ouanaminthe
Le 1er mars, la direction de l'entreprise CODEVI, qui appartient à une société dominicaine, le Grupo M, avait licencié tous les ouvriers ayant rejoint le syndicat qui venait de se créer, le SOKOWA. La Banque mondiale avait accordé un crédit au Grupo M pour la création de la zone franche d'Ouanaminthe à condition que les libertés syndicales y soient respectés. Le 13 avril, les ouvriers ont finalement été réintégrés à l'issue d'âpres négociations. Elles avaient été précédées d'une vaste mobilisation à laquelle ont participé les ouvriers de l'entreprise CODEVI, des syndicats haïtiens et étrangers, et des groupes d'appui (notamment en France le Réseau Solidarité–Peuples Solidaires). La direction s'est engagée devant les ouvriers à respecter les droits syndicaux. Mais dès le lendemain des négociations, elle remettait en cause le statut de certains des ouvriers réintégrés, et des menaces étaient proférées contre des membres du mouvement Batay Ouvriye.
>>> Les Nations unies se préparent à prendre le relais de la Force multinationale
Le 21 avril, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a recommandé l'envoi en Haïti d'une mission de stabilisation, la MINUSTAH, pour au moins une période de 24 mois. Cette mission comprendrait notamment 6700 militaires et 1622 policiers. Elle remplacerait progressivement la forme intérimaire en place actuellement et commencerait à se déployer au cours du mois de mai. Kofi Annan a demandé aux États Membres de l'ONU de « confirmer qu'ils sont toujours disposés à établir une mission de suivi en s'engageant à fournir les ressources financières et humaines nécessaires. » Il a recommandé que la Mission des Nations Unies comprenne une composante chargée de questions humanitaires et de développement. Il propose que l'ONU installe en Haïti un bureau des droits de l'Homme. Le Haut Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU lui apporterait son appui.
Selon des parlementaires américains, les autorités haïtiennes souhaitent qu'une partie des marines déployés actuellement restent encore quelque temps en Haïti.
La Plate-forme des organismes haïtiens de Défense des droits humains (POHDH) a dénoncé des actes commis par des militaires de la force multinationale. Son quartier général est toujours installé dans les locaux de « l'Université populaire de Tabarre », et la plate-forme voit là une violation du droit à l'éducation. La POHDH critique le silence du gouvernement à ce sujet. A Port-au-Prince, des soldats américains à la recherche d'armes ont défoncé les portes d'une clinique et ont brisé du matériel. 15000 dollars auraient disparu selon un médecin. Les soldats disent avoir agi par erreur.
>>> EN BREF
Un jeune homme est mort le 19 avril lors des inscriptions des candidats à l'Académie de police. Une foule énorme de quinze mille personnes s'est présentée ce jour là. Des policiers sont accusés d'avoir reçu des pots de vin pour faire passer leurs protégés, ce qui a occasionné de graves échauffourées. Le père de la victime affirme que son fils n'est pas mort dans une bousculade, comme on l'a dit, mais du fait des coups portés par des policiers.
Radio Vision2000 vient de diffuser une déclaration enregistrée en septembre dernier par Robenson Thomas, dit Labanyè, un des hommes forts de Cité Soleil. Il dit avoir été « chef de la sécurité de la mairie de Cité Soleil » et membre de soutien de l'ancienne Unité de sécurité présidentielle. Selon lui, le « responsable » de l'assassinat de Jean Dominique est Harold Sévère, ancien maire de la capitale et ancien employé du Palais national Il aurait confié le dossier à Sò Ann, qui elle-même aurait contacté les frères Ronald Kadav et Franco Camille. Trois exécutants auraient été assassinés par la suite.
Gérard Latortue, qui vient de présenter un programme aux bailleurs de fonds, s'est rendu le 23 avril en République dominicaine. Selon lui, le président Mejia s'est engagé à l'aider à récupérer les fonds déposés dans les banques étrangères par des responsables des gouvernements antérieurs. Gérard Latortue effectuera début mai une tournée internationale qui le mènera aux Etats-Unis et en Europe. Il sera à Paris le 9 mai. Pour sa part, le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, se rendra prochainement en Haïti, a annoncé le Quai d'Orsay.
Le sac de riz qui se vendait à 1000 gourdes il y a moins de deux mois se vend aujourd'hui 1400 gourdes à Port-au-Prince et 1650 gourdes au Cap Haïtien, selon l'AHP. Certains grands commerçants capois se seraient pourtant enrichis en dédouanant leurs marchandises sans payer de taxe lorsque que le port était contrôlé par les forces « rebelles ».
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