Une Semaine en Haïti – n° 700 – Lundi
04 mai 2004
Le Front de Résistance se transforme en parti politique
Les militaires démobilisés invités à rejoindre la police
De nouvelles autorités locales commencent à être nommées
Fanmi Lavalas ne participera sans doute pas au CEP
Le Conseil de sécurité de l'Onu crée une force de paix pour Haïti
Les militaires américains saccagent les bureaux de deux organisations
>>> Le Front de Résistance se transforme en parti politique
Le Front de Résistance s'est transformé en Front de Reconstruction d'Haïti et a annoncé qu'il participera aux prochaines élections générales. Le 29 avril, son porte-parole, Winter Etienne, a affirmé que le Front n'était plus un mouvement armé mais un parti politique, et qu'il remettrait l'ensemble de ses armes le 18 mai, lors d'une cérémonie aux Gonaïves, à l'occasion de la fête du drapeau. Selon Radio Métropole, l'annonce de la transformation du Front en parti politique a été précédée de rencontres entre les dirigeants des ex-rebelles et de hautes personnalités haïtiennes et étrangères.
Le dimanche 25 avril, sept individus armés, identifiés comme proches du Front, se sont introduits dans le commissariat des Gonaïves en l'absence des militaires français. Ils ont mis en fuite les policiers présents, ont récupéré une voiture officielle saisie par la force multinationale et ont libéré une personne. Le lendemain, les policiers revenaient au commissariat, avec l'appui des soldats français.
>>> Les militaires démobilisés invités à rejoindre la police
Depuis le départ de Jean-Bertrand Aristide, moins de la moitié des policiers ont repris leur service selon l'Associated Press. Le ministère de l'intérieur a invité les militaires membre d'une unité affectée à la région métropolitaine à se présenter à l'Ecole nationale de la Magistrature, le dimanche 2 mai pour une évaluation de leur dossier en vue de leur intégration à la police. Le 27 avril, l'ambassadeur des Etats-Unis, James Foley, avait demandé aux autorités haïtiennes de donner une réponse adéquate aux revendications légitimes des « rebelles ». Selon lui, les anciens militaires qui n'avaient pas commis de violation des droits de l'homme devraient pouvoir être intégrés à la police.
Allant dans le même sens, le premier ministre Latortue a déclaré au journal Le Nouvelliste : « Tous ceux qui ont moins de 45 ans, qui sont physiquement bien portants et qui n'ont pas été impliqués dans des actes répréhensibles pourraient être recrutés comme officiers de police s'ils le désirent ». Selon lui, la démobilisation des militaires en 1995 était un acte anticonstitutionnel mais fut acceptée par l'ensemble de la population haïtienne et la communauté internationale. Pour sa part, l'ancien sénateur Dany Toussaint s'est prononcé en faveur de la mise sur pied d'une armée réformée et d'un service militaire obligatoire pour tous les jeunes.
Dans le plateau central, l'ancien colonel Remissainthe Ravix, qui affirme commander 1681 hommes, affirme qu'aucun d'entre eux ne rejoindra la police, car ils font partie de l'armée « constitutionnelle ». Il a protesté énergiquement lorsque des marines nord-américains ont arrêté près de l'aéroport de Port-au-Prince six anciens soldats, transportant des armes automatiques vers Hinche. Les « rebelles » du Plateau-central pour la plupart d'anciens militaires, s'estiment seuls capables, d'assurer la sécurité de la population de manière convenable. Ils ont lancé une sévère mise en garde contre tout déploiement de policiers dans leur zone.
Au Cap Haïtien, plusieurs centaines de personnes ont gagné les rues le dimanche 25 avril pour témoigner leur soutien aux anciens militaires refusant d'être désarmés.
>>> De nouvelles autorités locales commencent à être nommées
Le remplacement des autorités locales par des commissions provisoires ne se fait pas sans difficulté. Le 29 avril, selon l'AHP, dans une localité de Saint-Michel de l'Attalaye, des individus armés, dont des anciens rebelles, auraient assassiné au moins 4 personnes et en auraient blessé une vingtaine d'autres. Selon l'AHP, les victimes s'opposaient à l'installation d'un ancien chef de section à la place du CASEC..
La présidence haïtienne a publié la liste des neuf délégués qui représenteront le nouveau pouvoir exécutif dans les départements. Parallèlement, le pouvoir commence à nommer les maires à la tête de quelques municipalités. Carline Simon de l'organisation Fanm Solèy Leve est le nouveau maire de la capitale. Jean Vilfort Prisca, commentateur politique à Caraïbes FM, a été nommé responsable de la commune de Delmas. Mais il n'a pas pu entrer en fonction le 28 avril comme prévu, car des manifestants contestaient sa nomination.
Par ailleurs, le cabinet particulier de la présidence annonce le licenciement de plus de deux cents employés du Palais national. Selon le chef du cabinet, nombre d'entre eux avaient été embauchés de manière irrégulière. Il a été annoncé que des dispositions seront prises contre les ex-membres du personnel du Palais national refusant de restituer les véhicules qui leur étaient affectés. Par ailleurs, 600 des 700 agents affectés à la garde présidentielle auraient été mis à pied.
>>> Fanmi Lavalas ne participera sans doute pas au CEP
Des militants de Fanmi Lavalas se sont réunis dans les locaux de la Fondation Aristide pour la démocratie le lundi 26 avril. Il étaient entre une centaine et un millier de personnes selon les sources. La réunion portait sur la formation du conseil électoral provisoire. Fanmi Lavalas avait jusqu'au 30 avril pour désigner son représentant. Selon Radio Métropole, les participants ont dit non à une participation de Fanmi Lavalas. Moins catégorique, le sénateur Yvon Feuillé aurait posé comme condition la fin de la campagne de persécutions dont son parti ferait l'objet.
>>> Le Conseil de sécurité de l'Onu crée une force de paix pour Haïti
Le 30 avril, le Conseil de sécurité de l'Onu a voté à l'unanimité une résolution prévoyant la création d'une « Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) », comprenant 6700 militaires et 1622 policiers civils, pour une période initiale de six mois, débutant le 1er juin. Les derniers éléments de la force multinationale déployée actuellement devront être partis à la fin du mois de juin.
Le mandat de la Mission s'articule autour de l'établissement d'un climat sûr et stable en Haïti, un appui au processus constitutionnel et politique et la défense des droits de l'homme. La Mission devra notamment aider le Gouvernement de transition à réformer la Police et à mettre en œuvre des programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion à l'intention de tous les groupes armés. Elle devra « protéger les civils contre toute menace imminente de violence physique » dans les limites de ses capacités. Elle devra « soutenir le Gouvernement de transition et les institutions et groupes haïtiens de défense des droits de l'homme dans leurs efforts de promotion et de défense des droits de l'homme ».
Le 19 avril, Louis Joinet, l'expert indépendant de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Haïti, a fait un exposé devant devant la Commission des droits de l'Homme à Genève. Il a notamment recommandé l'ouverture d'un bureau du Haut-commissaire aux droits de l'homme, tout en insistant pour que ses missions soient clairement précisées et fassent l'objet d'une information auprès des représentants de la société civile
>>> Les militaires américains saccagent les bureaux de deux organisations
Le 22 avril, des militaires nord-américains, sans doute à la recherche d'armes, avaient brisé du matériel de la clinique Hervé et humilié son personnel. Ils ont récidivé le lendemain selon la Plate forme des organisations de défense des droits humains, qui demande que les soldats étrangers n'agissent pas à la place des policiers. Le 23 avril, en effet, ils auraient fouillé toutes les pièces d'une maison se trouvant rue Montalaire et auraient saccagé les bureaux de deux organisations, Antenne Ouvrière et Têt Kole Ti Peyizan, où ils auraient dérobé environ 1000 dollars. Ces deux organisations sont membres du Regroupement démocratique et populaire, qui ajoute, dans une déclaration, que les personnes présentes ont été collées face au mur. Selon ce regroupement, à Ouanaminthe, des soldats français auraient intimidé un membre du Comité de défense de Pitobert, une organisation qui a lutté contre l'implantation de la zone franche sur des terres cultivées.
>>> EN BREF
Neuf personnes ont péri près de l'île de la Gonâve lorsque leur voilier qui se dirigeait vers le sud de la Floride a fait naufrage. La semaine dernière, 651 boat-people qui tentaient de se rendre aux Etats-Unis ont été interceptés en mer et ramenés à Port-au-Prince. Au total, 1.591 immigrants haïtiens ont été rapatriés par les autorités américaines depuis le 21 février. En trois mois, environ 500 Haïtiens sont arrivés en Jamaïque, où ils sont hébergés temporairement. Jean-Bertrand Aristide a refusé de les rencontrer.
Le 26 avril, plusieurs organisations du secteur populaire ont lancé un avertissement au gouvernement lors d'un rassemblement tenu devant le ministère de la Justice. Elles demandent au gouvernement de passer des paroles aux actes. Elles réclament l'arrestation de toutes les personnes accusées d'avoir commis des crimes sous le président Aristide.
La faculté d'Ethnologie est à nouveau en effervescence. Les étudiants ont dressé des barricades pour faire valoir leurs revendications portant sur les conditions d'étude dans leur faculté. Ils sont allés en manifestation jusqu'au commissariat de police de Port-au-Prince pour réclamer des chaises qui auraient été saisies dans leur faculté lors des récents troubles politiques. Un étudiant aurait alors été brutalisé.
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