Une Semaine en Haïti – n° 702 – Lundi
17 mai 2004
Gérard Latortue invite Jacques Chirac à venir commémorer l’indépendance d’Haïti
Le ministre français des Affaires étrangères en visite en Haïti
Arrestation d'une proche collaboratrice de l'ex-président Aristide
Deux mille employés de la TELECO pourraient être licenciés
Environ trois cents cadavres dénombrés dans les rues de la capitale en février-mars
Poursuite de la coopération cubaine en Haïti
L’Amérique latine va fournir une grande partie des casques bleus
Jean-Bertrand Aristide va s'installer "temporairement" en Afrique-du-Sud
>>> Gérard Latortue invite Jacques Chirac à venir commémorer l’indépendance d’Haïti
En visite à Paris le jeudi 12 mai, le premier ministre Gérard Latortue a invité Jacques Chirac à venir à Haïti en 2004 pour le bicentenaire de l'indépendance. "Après deux cents ans d'indépendance, jamais un chef d'Etat français n'est venu en Haïti, c'est le seul cas dans tout l'ancien empire colonial", a souligné Gérard Latortue. "Nous avons parlé d'un nouveau départ que l'on souhaite en Haïti avec la France", a-t-il déclaré à l'issue d'un entretien de 40 minutes avec Jacques Chirac. De son côté, l'Elysée a indiqué que "la France est prête à se mobiliser activement en faveur d'Haïti sur le plan bilatéral et avec les bailleurs de fonds internationaux" qui doivent se réunir fin juin ou début juillet au Canada.
Interrogé par le journal Le Monde au sujet de la dette de l’indépendance, Gérard Latortue a déclaré : "La France a plutôt une obligation morale vis-à-vis d’Haïti". Il a ajouté : "Sa contribution pourrait prendre la forme d'une ligne de crédit mise à la disposition d'entreprises françaises pour des travaux d'infrastructure dans les secteurs de l'énergie ou de la construction de routes".
Evoquant les attentes d'Haïti en termes d'aide étrangère, Gérard Latortue a estimé que "pour les investissements dans les secteurs de l'énergie, des routes, des télécommunications, de la santé, de l'éducation, il faudrait environ 200 millions de dollars par an sur cinq ans".
La dernière semaine, le premier ministre s’est également rendu à Bruxelles. L’Union européenne souhaite une « normalisation rapide » des relations entre Haïti et la Caricom, et a augmenté le montant de son aide humanitaire d’urgence.
>>> Le ministre français des Affaires étrangères en visite en Haïti
Le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, est arrivé le 14 mai à Port-au-Prince pour une visite de 24 heures. Il devait rencontrer le lendemain les responsables militaires français de la Force multinationale, puis se rendre ensuite dans la ville de Dessalines pour s’informer du projet de coopération mené par le Conseil régional de Haute Savoie. Après avoir rencontré les autorités haïtiennes, Michel Barnier devait s’entretenir avec des étudiants en agronomie. Il devait enfin rencontrer des responsables de la société civile et des partis politiques haïtiens, ainsi que des représentants de la communauté française.
>>> Arrestation d'une proche collaboratrice de l'ex-président Aristide
Une proche collaboratrice de l'ex-président Aristide, Annette Auguste, plus connue sous le surnom de "Sò Anne", a été arrêtée le 10 mai en pleine nuit. Selon Fanmi Lavalas, les militaires étrangers ont agi avec violence et ont arrêté puis libéré d’autres personnes, dont un enfant de 5 ans, qui passaient la nuit chez elle.
Annette Auguste a souvent été considérée comme responsable de la coordination avec les organisations populaires Lavalas. Son nom a été cité à de nombreuses reprises à propos de violation des droits de l'homme. Elle aurait tenu des propos menaçants envers la Force Multinationale Intérimaire, aurait déclaré son porte-parole David Lapan. Elle a été entendue par le juge Bredy Fabien au sujet de l’opération menée contre l’Université d’État d’Haïti le 5 décembre dernier.
Jean Maxon Guerrier, ancien maire de Delmas, a été arrêté sans mandat et détenu quelques jours "pour enquête". Un ancien chef d'organisation populaire Lemercier Ruben Charles, a été arrêté au Cap-Haïtien. Il est accusé d’avoir tiré sur un journaliste en février et de l’avoir blessé grièvement.
>>> Deux mille employés de la TELECO pourraient être licenciés
Le directeur général de la compagnie publique de téléphonie (TELECO) René Méroney a annoncé 2000 licenciements. Selon lui, l’Etat tolérait la gabegie à tous les niveaux, et nombre d’emplois étaient fictifs. Ainsi le directeur général d’une station de télévision privée recevait chaque mois 8000 dollars. La TELECO gère actuellement plus de 4000 emplois et, selon son nouveau directeur, peut fonctionner avec beaucoup moins de personnes. D’après lui, l’ancien régime a collecté des sommes considérables en accordant des tarifs préférentiels à des sociétés étrangères qui revendaient le service aux grandes compagnies. Il a également dénoncé des fraudeurs qui, de connivence avec des techniciens de la compagnie, piratent le réseau et gagneraient plusieurs milliers de dollars américains chaque jour.
>>> Environ trois cents cadavres dénombrés dans les rues de la capitale en février-mars
A travers les différentes sources consultées, la commission nationale Justice et Paix a dénombré environ 300 victimes mortelles de la violence, en général non identifiées, au cours des mois de février et de mars dans la zone métropolitaine : 150 au mois de février, et 145 au mois de mars. Elle estime que le nombre réel de victimes pourrait dépasser les 500. Selon une association d’avocats nord-américains ayant enquêté fin mars, des membres du personnel de la morgue de l’hôpital général lui ont dit que « de nombreux » cadavres étaient ceux de jeunes gens tués par balles, les mains liées dans le dos. Elle aurait photographié des restes humains dans un champ, près de la Piste d’Aviation, où on lui avait dit que des cadavres avaient été brûlés le 22 mars.
Une députée démocrate de la Californie, Maxine Waters, a accusé le gouvernement provisoire d’être responsable de la mort d’un millier de personnes. La Coalition nationale pour les droits des Haïtiens (NCHR) et le Comité des avocats pour le Respect des Libertés Individuelles (CARLI) considèrent que ce chiffre est une pure invention et que Maxine Waters reprend à son compte la propagande de Lavalas, sans disposer du moindre élément de preuve.
>> Poursuite de la coopération cubaine en Haïti
La coopération entre Cuba et Haïti se poursuit depuis le départ du pouvoir de Jean Bertrand Aristide, a déclaré l'ambassadeur de Cuba en Haïti, Rolando Gomez.
"Cuba a maintenu avant et après les événements de février une position de non-ingérence, d'amitié et de fraternité avec le peuple haïtien et tous les secteurs de la société haïtienne", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse. La coopération s'effectue dans les domaines de "la santé, la médecine vétérinaire et l'agriculture". Le nombre des médecins et des techniciens de santé travaillant en Haïti "n'a pas changé avec 550 personnes", a-t-il dit.
Il y a actuellement 842 boursiers haïtiens à Cuba. A la demande du nouveau gouvernement haïtien, ils vont être rejoints en septembre par les 247 étudiants qui suivaient des cours professés en espagnol à la faculté de médecine de la Fondation Aristide. Ses locaux sont actuellement occupés par la force multinationale.
>>> L’Amérique latine va fournir une grande partie des casques bleus
A la demande des Nations unies, le président argentin Kirshner a proposé au parlement l’envoi de 500 militaires et d’un hôpital de campagne. En Uruguay, le gouvernement a également demandé le feu vert du parlement pour envoyer 540 soldats en Haïti. Le Chili enverra près de 600 militaires. Trinidad-et-Tobago a confirmé l’envoi de 150 hommes. L e Brésil, dont un général commandera l’ensemble des casques bleus, doit fournir environ 1200 soldats. En tout, l’ONU prévoit le déploiement à partir du 1er juin d'une force comprenant 6700 militaires et 1600 policiers civils.
>>> Jean-Bertrand Aristide va s'installer "temporairement" en Afrique du Sud
Agissant au nom de l’ancien président, la CARICOM a présenté au gouvernement sud-africain une demande de séjour qui a été acceptée. "Il s'agit d'un arrangement temporaire jusqu'à ce que la situation à Haïti se stabilise et qu'Aristide et sa famille puissent y retourner", a déclaré le porte-parole du gouvernement sud-africain. Il a précisé que son gouvernement a pris sa décision à la suite de discussions avec "les dirigeants des Etats-Unis et de la France". Financièrement, le séjour sera entièrement pris en charge par l'Etat sud-africain.
Le principal parti sud-africain d'opposition, l'Alliance démocratique a condamné la venue de Jean-Bertrand Aristide. Il estime que c’est à la France et aux Etats-Unis de prendre en charge son exil.
>>> EN BREF
Les Etats-Unis vont apporter une aide supplémentaire d'au moins 40 millions de dollars à Haïti, a déclaré le secrétaire d'Etat américain Colin Powell. Cette somme va s'ajouter aux 55 millions de dollars déjà prévus pour Haïti pour l'année en cours, a déclaré le chef de la diplomatie américaine
Le substitut du commissaire du gouvernement a créé la stupéfaction dans les milieux judiciaires en faisant libérer deux hommes membres d’un gang international. Ils avaient été arrêtés il y a un mois, et auraient reconnu leur implication dans nombre de cas de kidnapping et de crimes à travers le pays.
Le diplomate canadien David Lee, qui dirigeait la mission spéciale de l’OEA en Haïti, a démissionné. Il explique que les événements récents et les résolutions de l’Onu changent la configuration de la présence internationale en Haïti. Il estime que la mission de l’Oea a manqué de ressources et d’un mandat clair.
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