Une Semaine en Haïti – n° 703Lundi 24 mai 2004

Port-au-Prince et Paris normalisent leurs relations

Le Front des ex-insurgés haïtiens se transforme en parti politique

Au moins trois personnes blessées ou tuées lors d’une manifestation de Lavalas

Des anciens militaires demandent la nomination d’un général

Les locaux de Radio et Télé Timoun mis sous scellés

 

>>> Port-au-Prince et Paris normalisent leurs relations

Michel Barnier, le ministre français des affaires étrangères, a achevé samedi 15 mai une visite de 24 heures en Haïti. « Vous n'avez pas besoin de tutelle, mais nous sommes là pour vous accompagner », a déclaré le ministre français à Gérard Latortue « Vous pouvez compter sur moi pour être votre porte-parole auprès de l'Union européenne », a-il affirmé.

Michel Barnier a signé une convention en vue d'une aide budgétaire directe d'un million d'euros pour payer les arriérés de salaire des fonctionnaires des ministères de la Santé et de l'Education nationale. Il a félicité les militaires français de la force multinationale pour avoir donné en Haïti « une image intelligente de la France, qui n'est pas arrogante ».

Il s'est rendu à Dessalines, accompagné d'une délégation d'élus de la Savoie, afin de visiter un projet de coopération entre la ville et le département français. Il était également accompagné d’élus des Antilles et de la ville de Suresnes. Le ministre français a brièvement rencontré le président provisoire Boniface Alexandre et a participé à un déjeuner offert par la Chambre de commerce haïtiano-française. Il a estimé à cette occasion que l'intervention de l'ONU en Haïti était une « assistance internationale à un peuple en danger », qu'il fallait « distinguer entre la justice de la vengeance » mais qu'il y avait « le droit à réparation des victimes et le droit à la sanction pour ceux qui ont franchi la ligne rouge ».

Le général Henry Clément-Bollée, qui commande les troupes françaises en Haïti, a indiqué que la présence militaire française se chiffrait actuellement à 1.200 soldats, dont 1.000 sur le terrain. Il a indiqué que les troupes françaises participaient à 44 projets humanitaires à travers le pays, avec des distributions de dons alimentaires et des rénovations d'hôpitaux et d'écoles.

>>> Le Front des ex-insurgés haïtiens se transforme en parti politique

Le Front de reconstruction nationale (FRN) des ex-insurgés s’est constitué en parti politique. L’annonce en a été faite le 18 mai sur la place d’Armes des Gonaïves, devant un millier de personnes. Buteur Métayer, dont le véhicule avait été fouillé la veille par des militaires français a lancé à cette occasion : « Les blancs français nous humilient, ils fouillent nos maisons et nos voitures, à bas l'occupation française, à bas la France, que les blancs s'en aillent, à bas les blancs français ».

L'ex-commissaire Guy Philippe, devenu secrétaire général du Front, s'estime « sûr de remporter la victoire » lors des prochaines élections. Avec pour président Buteur Métayer, et pour coordonnateur général Winter Etienne, le Front va présenter un programme axé sur la sécurité, l'éducation et l'agriculture. Guy Philippe a affirmé que les dernières armes détenues par les civils membres du Front ont été remises le 1 er mai. Il a ajouté : « celles des ex-militaires concernent les autorités, car nous n'avons pas autorité sur eux, ce serait illégal ». Par conséquent, la cérémonie de remise des armes qui avait été annoncée pour le 18 mai a été annulée. Interrogé sur ses modèles en politique, Guy Philippe cite l’ancien président argentin Juan Peron.

>>> Au moins trois personnes blessées ou tuées lors d’une manifestation de Lavalas

Selon la police, au moins trois personnes, dont deux policiers, ont été blessées mardi 18 mai à Port-au-Prince au cours d'une manifestation organisée par des partisans de l’ancien président Aristide. Selon la version de la police, les incidents ont éclaté lorsque des anciens militaires armés ont tenté de s'opposer aux manifestants. Huit de ces anciens militaires ont été placés en garde à vue. La manifestation, qui dénonçait le gouvernement provisoire et les troupes étrangères aurait rassemblé environ 500 personnes à l'occasion de la Fête du drapeau.

L’Agence Haïtienne de Presse affirme pour sa part que les manifestants étaient des dizaines de milliers. La police, appuyée par des militaires étrangers, l’aurait dispersée brutalement, sous prétexte que sa tenue ne lui avait pas été notifiée. Au moins un militant Lavalas, Simson Saintus, aurait été abattu, des témoins affirmant selon l’AHP qu’au moins 5 cadavres auraient été enlevés dans des sacs. Depuis, la direction de la police aurait présenté ses excuses pour la dispersion de la manifestation. Elle explique que la lettre lui notifiant la manifestation du 18 mai lui a été remise avec retard par des employés qui seraient sanctionnés.

Avant le début de la manifestation, des journalistes de Radio Métropole et de Caraïbes FM ont été pris à partie par des partisans de Lavalas. Le véhicule de Radio Métropole aurait été saccagé.

>>> Des anciens militaires demandent la nomination d’un général

Les huit anciens militaires arrêtés le 18 mai lors de la manifestation de Lavalas ont été libérés le lendemain. Ils sont dirigés par l’ancien sergent Joseph Jean-Baptiste, habituellement basé à Hinche. Leur courte arrestation a provoqué de nombreuses protestations. Une délégation du KID, le parti dirigé par Evans Paul, avait rendu visite aux détenus et réclamé leur libération. La force multinationale aurait interdit une manifestation en leur faveur à Hinche.

Bien que remis en liberté, les anciens militaires refusent de quitter le commissariat central de Port-au-Prince sans leurs armes. Ils estiment être membres d’une force armée constitutionnelle et demandent la nomination d’un général pour la commander.

Joseph Jean Baptiste accuse les partisans de Lavalas d’avoir tué deux anciens militaires à Plaisance il y a une semaine.

>>> Les locaux de Radio et Télé Timoun mis sous scellés

Mardi 18 mai, un juge de paix a apposé des scellés sur les locaux de Radio et de Télé Timoun, deux stations appartenant à l’ancien président Aristide ou à sa fondation. Depuis qu’il a quitté le pouvoir, Radio Timoun avait continué à émettre, tandis que la télévision avait arrêté ses émissions. Ces médias seraient en contravention avec le fisc. C’est la première mesure de mise sous séquestre des biens de l’ex-président. Elle entrerait dans le cadre de dispositions concernant les fonds de l’Etat détournés par l’ancien régime. D’autre part, le gouvernement a décidé de faire passer l’Université de Tabarre appartenant à l’ancien président dans le patrimoine de l’Université d’Etat d’Haïti. Cette décision a été prise à l’occasion de la fête du drapeau du 18 mai, qui est également celle de l’Université.

Selon l’AFP, le président du Sénat et responsable de Lavalas Yvon Feuillé a été interpellé par la police dans le département du Sud. Sa voiture a été saisie afin de déterminer si elle a transporté de la cocaïne ces derniers jours. Yvon Feuillé, qui doit rester à la disposition de la police, se dit victime d’un complot. Il affirme que des individus devaient tenter d'introduire de la drogue dans son véhicule.

Le ministre de la justice, Bernard Gousse, met en cause les “chimères” Lavalas dans les actes de banditisme enregistrés ces derniers temps notamment à travers la capitale. Il fait remarquer que ces “chimères” qui percevaient des salaires de l’administration publique sont aujourd’hui aux abois. Une vague de licenciements a été enregistrée notamment à la TELECO et à l’Organisme d’assurance-vieillesse, qui abritaient de nombreux partisans de l’ancien régime.

>>> En bref

Robert Ulysse, ministre sans portefeuille chargé de liaison avec la Présidence, a remis sa démission. Il veut avoir la possibilité de se présenter aux élections. Or l’accord politique du 6 avril interdit à tout membre du gouvernement intérimaire d’être candidat à une fonction élective

Deux Haïtiens soupçonnés de violations des droits de l'Homme sous la dictature du général Cédras ont été arrêtés en Floride et doivent être prochainement expulsés en Haïti. Il s’agit de Vital César, un ancien membre du FRAPH, et de Jonas Charles, un ancien militaire.

Une cinquantaine d’ouvriers ont dénoncé devant la presse, le comportement des responsables de la compagnie Confection et emballage, Marie Louise et Charles Becker. Ils leur reprochent d’avoir licencié 300 employés à la fin du mois de février sans leur verser des prestations légales. Charles Becker est un des responsables du Groupe des 184, qui prône un nouveau contrat social. Les ouvriers licenciés font valoir que dans leur entreprise aucun contrat écrit n’a été signé entre les patrons et les ouvriers.

Le président provisoire, Me Boniface Alexandre, a décidé de ne pas effectuer la visite traditionnelle à l’Arcahaie le 18 mai, lors de la fête du drapeau et de l’Université. Il a pris cette décision après avoir visité l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti. Il a demandé que les fonds prévus pour sa visite à l’Arcahaie soient mis à la disposition de l’hôpital.

Leonel Fernandez, qui a dirigé la République dominicaine de 1996 à 2000, a été réélu pour un nouveau mandat dès le premier tour de l'élection présidentielle. La journée électorale, marquée par une forte participation, a été assombrie par quelques incidents, qui ont fait six morts et sept blessés. Les opérations de vote ont été surveillées par 3.000 observateurs d'organisations civiles et 300 étrangers de l’OEA et du Centre Carter.

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