Une Semaine en Haïti – n° 704 Lundi 31 mai 2004

Premiers bilans des graves inondations de la semaine dernière

L’aide humanitaire aux victimes s’organise

Le déboisement mis en cause dans la gravité des inondations

Le CEP devrait bientôt être au complet

Plusieurs arrestations de trafiquants de drogue présumés

 

>>> Derniers bilans des graves inondations de la semaine dernière

Selon les derniers bilans officiels, les pluies torrentielles qui se sont abattues sur l’île d’Hispaniola, particulièrement dans la nuit du 23 au 24 mai, ont entraîné la mort de 1 068 personnes en Haïti et de 401 personnes en République Dominicaine. Ce bilan risque cependant de s’alourdir, vu le grand nombre de personnes disparues. Ces pluies ont provoqué des débordements de rivières, des inondations et des coulées de boue.

En Haïti, les localités les plus touchées sont Mapou (Sud-est) où les secours sont très difficiles car la ville est encore sous plusieurs mètres d’eau et Fonds Verettes (Ouest) construit dans le lit d’une rivière, la ville a été totalement rasée. En République Dominicaine, c’est la ville frontalière de Jimani qui a surtout été touchée.

Les dégâts matériels sont aussi très importants. De nombreuses habitations ont été emportées, détruites ou endommagées. Ainsi à Fonds Verettes où 546 maisons ravagées et 1150 maisons endommagées ont été recensé par le PNUD. Certaines routes, celles menant aux régions ravagées du Sud-est notamment, ont été coupées. Des cultures vivrières ont été détruites et des têtes de bétails emportées.

On dénombre pour l’instant, 16 222 sinistrés, des familles entières qui ont tout perdu, et qui dépendent complètement de l’aide humanitaire qui peut être acheminée. Des risques d’épidémies sont aussi à craindre, vu le grand nombre de cadavres qui n’ont pas encore été récupérés.

A noter que le Centre National de Météorologie et le Bureau Permanent de Gestion des Désastre, ont affirmé que l’alerte sur les risques d’inondation et les glissements de terrain est maintenue pour les régions de l’ouest et du Nord.

>>> L’aide humanitaire aux victimes s’organise

Face à la catastrophe, le président Alexandre et le premier ministre Latortue se sont rendus sur place en hélicoptère le 25 mai pour constater les dégâts. Un fond de 10 millions de gourdes a été rapidement débloqué, tandis que la premier ministre Latortue, qui se rendait en fin de semaine à Guadalajara pour la rencontre Amérique du Sud/Europe, allait pouvoir rencontrer certains bailleurs internationaux.

La solidarité nationale d’organise en Haïti, avec de multiples récoltes de fonds de solidarité ou de matériels, organisés par certaines radios, banques privés ou partis politiques et groupe de la société civile.

Au niveau international, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a débloqué 200 000 dollars. La France de son côté va envoyer une première aide de 20 000 euros pour Haïti et 10 000 euros pour la République Dominicaine. Le ministre français des Affaires Etrangères, s’est à nouveau rendu en Haïti, ce vendredi 28 mai pour constater les dégâts, à l’occasion de sa présence à au Mexique. Il a assuré les haïtiens de sa volonté de faire pression au niveau de l’Union Européenne pour qu’un fond spécial d’assistance soit décidé. Plusieurs pays ont promis ou envoyé des fonds (la Belgique, le Japon, l’Allemagne, la Canada, l’Irlande). Une mission conjointe ONU, Croix Rouge et ONG s’est rendue à Mapou pour évaluer les dégâts. L’Unicef a lancé un appel de 506 000 dollars et le CICR un appel de 592 000 euros. Selon M. Gauvreau du PAM, les ressources financières n’ont pas encore atteint 30% des besoins.

Mardi, les aides ont commencées à êtres héliportés vers Fonds Verettes. Les localités du sud-est ont été petit à petit atteintes par voie maritime. Ainsi, des vivres, de l’eau, des couvertures, des tentes, des médicaments ont pu être acheminées. L’ensemble des aides est coordonné par le Bureau de la Protection Civile.

Si la force multinationale a participé aux secours, notamment en mettant à dispositions ses hélicoptères, le PAM a lancé un message d’alarme suite à la décision de la force d’arrêter les rotations d’hélicoptère. Lors d’une conférence de presse lundi matin, le colonel Glen Sachtleben a expliqué que « ses troupes avaient répondue aux besoins urgents à Mapou et à Fonds Verettes » et qu’il fallait faire le point sur l’aide apportée et prévoir « une autre crise humanitaire dans les 30 prochains jours », le pays entrant dans la période cyclonique. La mission de l’ONU qui doit prendre effet ce mardi 1 er juin, disposera d’hélicoptères mais qui ne seront pas mis en place avant longtemps.

>>> Le déboisement mis en cause dans la gravité des inondations

La catastrophe est rapidement devenue polémique avec la mise en cause par des experts haïtiens, du déboisement, qui serait la cause principale de la gravité des inondations. Pour le Directeur de la Fédération haïtienne de l’environnement, Jean-André Victor, la catastrophe était prévisible, vu l’état de santé écologique du pays. Le météorologue Renan Jean-Louis explique la diminution de la capacité du pays à absorber les pluies par la déforestation. Ces deux experts proposent la destruction des habitations anarchiques, et le déplacement de population pour éviter les conséquences amplifiées des pluies. Le déboisement, rappelle le père Belneau, curé de Fonds Verettes, a été accéléré entre 1992 et 1994, quand le kérosène était sous embargo. L’explosion démographique actuelle est aussi un facteur d’explication.

Le Gouvernement se propose d’agir sur trois fronts : l’acheminement de l’aide, le reboisement de la Foret des Pins et le déplacement de populations de Fonds Verettes. Il annonce que la coupe des arbres va être déclarée illégale dans certains lieux ; ainsi que la création d’une police forestière, qui ferait appel aux militaires démobilisés. Le Ministre des Travaux Publics, Jean-Paul Toussaint a annoncé que des mesures seraient prises pour construire une nouvelle route afin de désenclaver la zone de Fonds Verettes.

>>> La force de l’ONU prend la suite de la force multinationale

Le 1 er juin, la force de l’ONU (MINUSTHA) chargée de prendre la suite de la force multinationale, commencera à arriver en Haïti. Composée de 6700 militaires et de 1622 policiers internationaux, on ne connaît pas encore sa composition exacte. Commandée par les brésiliens (1200 hommes), elle sera essentiellement latino-américaine (argentins, guatémaltèques, chiliens, Uruguayens, paraguayens, péruviens et équatoriens mais aussi népalais, rwandais, canadiens, espagnols). La force multinationale sera présente jusque fin juin et la MINUSTHA totalement effective à cette même date.

Le Général Brésilien qui commandera la force – Augusto H. Ribeiro Pereira – a déclaré qu’il s’agissait de la dernière chance pour Haïti. Il a précisé le rôle de la force de l’ONU : « créer un climat de sécurité afin d’encourager la population à jeter les armes ». La mission est chargée de stabiliser la paix avant et après les élections de 2005.

De son côté la force multinationale a préparé la venue de l’ONU. Leur porte parole, David Lapan, a fait plusieurs déclarations, entre autre, indiquant aux anciens militaires qu’ils n’avaient pas le droit de se promener dans la rue avec des armes de guerre (suite à l’arrestation de huit d’entre eux), afin de faciliter les efforts pour garantir le climat de sécurité. Selon lui le programme argent contre armes ou contre informations n’a pas échoué, mais son efficacité ne pourra être évalué qu’en juin, à l’arrivée de la force de l’ONU. Si la force était très mal acceptée au début, on reconnaît qu’elle a participé au ramassage des ordures, à la réouverture des écoles et à des projets sanitaires et médicaux importants.

David Foley, l’ambassadeur américain, a de son côté reconnu que la force multinationale n’a pas contribué à l’établissement d’un climat sécuritaire. Il a précisé que c’était une affaire de longue date, qui relève de la Police Nationale d’Haïti.

>>> Le CEP devrait bientôt être au complet

Le siège réservé au parti Fanmi Lavalas au Conseil Electoral Provisoire étant toujours vide, le premier ministre a affirmé sa volonté d’appliquer le mécanisme prévu par l’accord initial de juillet 2001 qui prévoit la sollicitation de 5 secteurs clés haïtiens (les Eglises catholique, protestante, épiscopale, les militants des droits humains et la Cour de Cassation) pour occuper un siège laissé vide. D’après le porte-parole de Fanmi Lavalas, le parti est toujours prêt à occuper sa place au CEP, dans la mesure où les persécutions contre les militants lavalas prendraient fin. Par contre, le fait de ne pas siéger est soutenu par les militants lavalas (selon AHP) qui mettent en avant le fait que toutes les autres composantes du CEP appartiennent au groupe des 184, donc à la Plate forme politique de l’ancienne opposition.

>>> Plusieurs arrestations de trafiquants de drogue présumés

Le 25 mai, le Bureau de Lutte contre le Trafic des Stupéfiants (BLTS) et l’Agence Américaine de lutte contre la drogue (DEA) ont fait une perquisition chez le sénateur lavalas Fourel Celestin. Des documents auraient été emportés et, selon Radio Métropole, des armes saisies.

Le même jour, la force multinationale a arrêté et remis à la police, Evens Brillant, ex-responsable de la Brigade de Renseignement et d’Investigation. Le lendemain il a été expulsé vers les Etats-Unis, qui l’accuse de trafic de drogue vers leur pays.

Toujours le 25, la police américaine arrêtait à Miami, Jean Nesly Lucien, ex-directeur général de la police nationale, pour les mêmes raisons, après avoir arrêté la semaine précédente Rudy Thérassant, ancien de la BRI.

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