Une Semaine en Haïti – n° 706 – Lundi
14 juin 2004
La ville de Fonds-Verrettes pourrait être installée ailleurs
L'OEA reconnaît la légitimité du gouvernement de transition
La Minustah n'est pas une force d'occupation, souligne son chef militaire
L'ancien président tient une conférence de presse
A Ouanaminthe, au moins 250 ouvriers menacés de licenciement
Malaise chez les journalistes après la remise du prix Brignol Lindor
>>> La ville de Fonds Verrettes pourrait être installée ailleurs
Le secrétaire d'Etat à l'Environnement, Yves André Wainright, a annoncé que le gouvernement avait identifié un site pour relocaliser la ville de Fonds-Verrettes, en grande partie détruite lors des dernières inondations. Ce site se trouve dans les environs de la bourgade sinistrée.
Entre-temps, l'aide internationale en faveur des victimes continue à arriver. L'Office d'Aide humanitaire de la Commission Européenne (ECHO) a approuvé une aide de deux millions d'euros aux victimes des inondations en Haïti et en République Dominicaine. Ces fonds seront affectés à une aide dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, et à la fourniture d'équipements de première nécessité.
Le Japon a débloqué deux cent vingt cinq mille dollars américains après avoir fourni une aide en nature d'une valeur de cent mille dollars. Cette assistance sera gérée par le Programme Alimentaire Mondial.
Taiwan a remis un chèque de cent cinquante mille dollars au gouvernement haïtien et va fournir cinq mille tonnes de riz
Le dernier bilan des victimes fait état de 1220 morts, 1455 disparus et 31.130 personnes sinistrées. Les localités les plus affectées sont celles de Mapou-BelleAnse avec 432 morts, Bodary avec 350 morts et Fonds-Verrettes avec 237 victimes. Ces trois localités sont situées dans le département du Sud-Est. Plus de 400 personnes ont été tuées en République dominicaine.
>>> L'OEA reconnaît la légitimité du gouvernement de transition
Lors du 34 e sommet de l'OEA, qui s'est tenu cette semaine à Quito, en Equateur, son secrétaire-général sortant, Cesar Gaviria, a qualifié le cas haïtien de "trop difficile pour l'OEA". "Au terme de toutes ces années, nous éprouvons un fort sentiment d'insatisfaction", a-t-il confié.
La question d'Haïti a fait l'objet de débats importants lors de ce sommet de l'OEA. En effet, jusque là, la Caricom (Communauté des Caraïbes), qui compte 15 membres de droit sur les 34 de l'OEA, refusait de reconnaître le gouvernement de Gérard Latortue. L'OEA réclamait une enquête, refusée par Washington, sur les circonstances du départ de l'ex-président. Finalement un compromis a été trouvé. Dans le texte de la résolution approuvée par le sommet de l'OEA, les autorités haïtiennes sont reconnues comme formant un « gouvernement haïtien de transition ». Le départ du président Aristide est qualifié de "démission » . L'OEA demande à son conseil permanent d'entreprendre, en accord avec l'article 20 de la charte démocratique interaméricaine, toutes les initiatives diplomatiques visant à encourager le rétablissement intégral de la démocratie en Haïti. L'OEA considère que "l'altération du régime constitutionnel a commencé avant le 29 février 2004", date du changement de régime.
>>> La Minustah n'est pas une force d'occupation, souligne son chef militaire
La composante militaire de la Mission de stabilisation des Nations Unies en Haïti (Minustah) n'est pas une "force d'occupation" a affirmé le général brésilien Augusto Heleno, qui en exerce le commandement. « Nous sommes ici pour aider à l'amélioration de toutes les institutions d'Haïti », a indiqué l'officier lors d'une conférence de presse.
"La population haïtienne est très sympathique, gaie et intéressante, avec sa culture et ses traditions, comme la population brésilienne, et nous nous sentons chez nous" a souligné le responsable militaire. Il a indiqué que la composante militaire de la Minustah comptait actuellement 500 militaires (brésiliens, chiliens et canadiens) et passerait à 4.000 hommes pour le 1er juillet. "Au mois d'août nous serons complets" a-t-il précisé. La Minustah devrait alors compter 6700 soldats, 1622 policiers et 900 fonctionnaires civils. "Les patrouilles et les contrôles routiers continueront et le désarmement est la partie la plus difficile de notre mission" a souligné le général brésilien. "Nous avons un plan pour le désarmement, mais il est secret et je ne vais pas vous le révéler ici" a-t-il dit, se bornant à indiquer que la "méthode persuasive est la plus positive".
>>> L'ancien président tient une conférence de presse
En Afrique du Sud où il se trouve depuis le 31 mai, l'ex-président Aristide s'est déclaré prêt au "dialogue" avec les Nations unies, les Etats-Unis et la France, afin de préparer à terme son retour en Haïti. "Le dialogue peut être une des meilleures façons de préparer le terrain pour mon retour" , a-t-il affirmé, lors d'une conférence de presse tenue aux côtés de la ministre des affaires étrangères sud-africaine.
Il s'est dit "ouvert au dialogue avec les autorités françaises si les autorités françaises le souhaitent (...), ouvert au dialogue avec les autorités américaines si les autorités américaines le souhaitent" . "Je suis prêt à travailler avec l'ONU" , a-t-il aussi indiqué. Mais il a assuré qu'il n'entendait pas "s'engager dans une quelconque forme d'activité politique qui viserait à (le) faire rentrer tôt dans de mauvaises conditions" en Haïti.
L'ancien président s'est dit convaincu que "l'immense majorité du peuple haïtien continue de lutter d'une manière pacifique pour (son) retour" . "A mes partisans aujourd'hui encore je dis : on ne répond pas à la violence par la violence" , a lancé Jean-Bertrand Aristide. Concernant ses activités en Afrique du Sud, il a indiqué qu'il était "grandement occupé à écrire un livre" .
Pendant ce temps, en Haïti, ses partisans n'arrivent pas à s'entendre sur leur participation éventuelle au Conseil électoral provisoire. Des représentants de Fanmi Lavalas s'étaient presque mis d'accord avec le gouvernement sur un texte d'accord. Mais ils ne se sont pas présentés à la réunion où l'accord devait être finalisé. Seul est venu le sénateur Yvon Feuillé, qui a reconnu que son organisation n'arrivait pas à prendre une décision. René Civil, de l'organisation Jeunesse Pouvoir populaire s'est dut opposé à la participation de Lavalas au Conseil électoral provisoire. Il encourage les militants à se mobiliser en vue du départ des autorités intérimaires.
>>> A Ouanaminthe, au moins 250 ouvriers menacés de licenciement
Il y a quelques semaines, la Fédération syndicale 1 er mai-Batay Ouvriyè criait victoire. En effet, la direction dominicaine de la CODEVI, une usine récemment installée dans la nouvelle zone franche de Ouanaminthe avait accepté de réintégrer les ouvriers syndiqués qu'elle avait licenciés. Après bien des difficultés et une intense mobilisation en Haïti et à l'échelle internationale, elle avait annoncé sa volonté de respecter les droits syndicaux. Mais il n'a pas fallu longtemps pour découvrir qu'il s'agissait de promesses creuses. Les négociations prévues ont laissé la place aux intimidations permanentes, aux insultes, aux coups, aux révocations, et même à la séquestration d'ouvriers par des militaires dominicains appelés par la direction. Des ouvrières ont eu leurs vêtements arrachés. A la suite d'une grève, qui s'est tenue le 7 juin, les propriétaires dominicains ont annoncé leur intention de fermer les portes de l'usine haïtienne et de licencier les 700 ouvriers et ouvrières. Deux jours plus tard, ils se ravisaient : une partie seulement des ateliers pourrait être fermée, et 254 ouvriers seraient révoqués.
>>> Malaise chez les journalistes après la remise du prix Brignol Lindor
Un jury choisi par l'Association des journalistes haïtiens (AJH) a remis 5 prix à des travailleurs de la presse. La remise du prix Brignol Lindor a provoqué beaucoup de remous. Il a en effet été décerné à Jeanty André Homilaire, correspondant de Radio Solidarité à Mirebalais et ancien journaliste de la télévision nationale. Il y a quelques semaines, il avait été enlevé par des anciens militaires avant d'être remis en liberté. Des journalistes estiment scandaleux qu'il reçoive le prix portant le nom de Brignol Lindor, vu que les media pour lesquels il a travaillé ont pris la défense des assassins de ce journaliste de Petit Goâve. Le secrétaire-général de Reporters sans Frontières, qui a assisté à la remise des prix, dit avoir été trompé par le dirigeant de l'AJH, Guy Delva. Devant cette levée de boucliers, Jeanty André Homilaire aurait annoncé qu'il renonçait au prix qui lui avait été décerné.
>>> EN BREF
Le groupe des 184 a présenté un bilan critique des cent premiers jours du gouvernement Latortue. Selon l'AHP, un de ses responsables de ce regroupement politique a indiqué que le gouvernement intérimaire a mal géré ce qu'il appelle les cinq grands dossiers de la transition, les élections, la justice, le désarmement la vie chère et la réparation des victimes des événements du 29 février.
Le personnel de l'hôpital la Providence des Gonaïves a observé plusieurs jours d'arrêt de travail afin de protester contre les mauvais traitements infligés à plusieurs de ses membres. Plusieurs employés, dont une infirmière, auraient été battus par d'anciens rebelles.
L'inspecteur de police Bruce Myrthil a annoncé l'arrestation de 38 individus au cours de la semaine écoulée. 5 d'entre eux s'étaient évadés de prison. L'inspecteur a invité tous les fugitifs éparpillés dans le pays, qui sont encore sous le coup d'une décision de justice, à regagner sagement leurs cellules. Environ 3500 personnes se seraient évadées de prison durant les troubles politiques de l'hiver dernier.
Une douzaine d'employés de la TELECO, qui avaient été révoqués, auraient été arrêtés à la demande de la direction de la compagnie. Leurs parents affirment que ces arrestations sont illégales et demandent leur libération.
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