Une Semaine en Haïti – n° 707Lundi 21 juin 2004

La force multinationale dresse son bilan

Vers une coopération internationale en matière électorale

Quarante associations critiquent la préparation de la conférence des bailleurs de fonds

Un commando d'anciens militaires mène une action à l'Académie de police

Des ouvriers haïtiens défendus à l'échelle internationale

 

>>>La force multinationale dresse son bilan

Le colonel David Lapan a dressé un bilan des trois mois de mission de la Force multinationale intérimaire en Haïti, qui remettra la responsabilité opérationnelle aux troupes onusiennes le 25 juin. Selon lui, environ 200 armes à feu ont été saisies, 172 projets à caractère humanitaire ont été réalisés, dont la majorité dans les quartiers défavorisés. "Seulement quatre personnes ont été tuées par les militaires étrangers durant leurs opérations", a avancé le colonel nord-américain, qui a tenu à préciser que ces individus avaient manifesté de l'hostilité aux patrouilles militaires. "En ce moment, les troupes françaises et américaines quittent Haïti, tandis que les Chiliens et les Canadiens mettent en place des dispositions logistiques pour l'arrivée de leurs collègues", a indiqué le porte-parole de la force multinationale. Il a précisé que "la base militaire établie sur le campus de l'université de la fondation Aristide" ne sera pas maintenue. Le colonel a souligné les efforts déployés pour venir en aide aux populations sinistrées à la fin du mois de mai. Il a indiqué que, ces derniers jours, un soldat américain avait reçu un projectile à la jambe lors d'échanges de coups de feu entre deux bandes rivales de Cité soleil. 

Des militaires de la Force multinationale ont perquisitionné en son absence le domicile de Dany Toussaint et y ont saisi deux pistolets et des cartouches. Des habitants de la zone auraient déclaré aux militaires que des coups de feu tirés en direction d'un hélicoptère provenaient de la résidence de l'ancien sénateur , ce qu'il a démenti.

>>> Vers une coopération internationale en matière électorale

Le Conseil de Sécurité des Nations unies a appelé la communauté internationale à soutenir le gouvernement de transition, qui s'est engagé à créer des conditions sûres et stables en vue de la tenue d'élections générales en 2005. "Le gouvernement des Etats-Unis soutient un processus clair et transparent en Haïti", a déclaré le gouverneur de l'Etat de Floride, Jeb Bush lors d'une brève conférence de presse à Port-au-Prince. "S'il n'y a pas de stabilité politique en Haïti, il n'y aura pas d'investissements étrangers" a-t-il dit.

Gérard Latortue, a annoncé qu'un accord de principe en matière de coopération électorale avait été conclu avec la Mission de stabilisation des Nations unies en Haïti (MINUSTAH), l'OEA et la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Le ministre des Affaires étrangères de la Barbade aurait confirmé à Gérard Latortue que le contentieux entre la CARICOM et Haïti était vidé.

Tout en soulignant que ce serait au Conseil électoral provisoire (CEP) de décider en dernier ressort, Gérard Latortue s'est prononcé en faveur d'élections en trois étapes en 2005 : des consultations locales et municipales, puis des élections législatives et, enfin, l'élection présidentielle en novembre. Le CEP, qui a eu des entretiens avec des représentants d'organisations internationales, propose aux Haïtiens de passer au vote électronique afin de rendre les résultats fiables et de pouvoir les proclamer rapidement.

>>> Quarante associations critiquent la manière dont est préparée la conférence des bailleurs de fonds

Une quarantaine d'associations haïtiennes se sont réunies le 11 juin. Ces associations, qui comprennent des organisations telles que la PAPDA, des organisations féministes, des associations de paysans et des coopératives, ont étudié des documents préparés en vue de la conférence des bailleurs de fonds d'Haïti qui se tiendra le 19 juillet à Washington. Les bailleurs de fonds et le gouvernement intérimaire ont en effet décidé de préparer un ensemble de textes appelé Cadre de coopération intérimaire (CCI). Ils visent officiellement « à constituer la base d'un programme national de développement couvrant les besoins prioritaires de notre pays à court et moyen terme ». Plus de 180 experts haïtiens et étrangers ont été mobilisés pour dresser un état des lieux et proposer des interventions urgentes.

Les associations haïtiennes ayant analysé les documents disponibles sont très critiques envers la préparation du Cadre de coopération intérimaire (CCI), qui est en train de devenir le programme du gouvernement. Selon elles, la préparation de ces documents, qui est contrôlée par des experts étrangers, entre dans le cadre d'une mise sous tutelle d'Haïti. Elle se fait de manière technocratique, en ignorant les multiples efforts d'élaboration de plans communaux et locaux engagés depuis des années. Les propositions seraient dominées par les recettes d'inspiration néolibérale. Très peu d'attention serait portée aux problèmes affectant les agriculteurs. Ces associations proposent donc l'élaboration d'un plan de développement alternatif, élaboré avec la participation de la population et centré sur les besoins des couches majoritaires de la nation.

>>> Un commando d'anciens militaires mène une action à l'Académie de police

Un groupe de 200 ex-militaires est entré en formation à l'Académie de police de Frères le 15 juin. Ils ont été sélectionnés sur une liste de plusieurs centaines de postulants. Dans l'après-midi, selon Radio Solidarité, un groupe d'anciens militaires a pénétré dans les locaux de l'Académie de police et a arrêté un de leurs collègues en formation. Ils étaient sous la conduite de l'ex-sergent Ravix Rémissainthe, qui aurait expliqué que l'homme qu'ils avaient emmené n'était pas digne d'intégrer la police. Cette action a provoqué l'indignation à l'Académie de police.

Par ailleurs, Reporters sans Frontières a dénoncé l'attitude de certains militaires démobilisés qui persécuteraient des journalistes dans le Plateau central.

>>> Des ouvriers haïtiens défendus à l'échelle internationale

Le 11 juin, environ 370 ouvriers de l'entreprise CODEVI ont été révoqués dans la zone franche de Ouanaminthe par le propriétaire dominicain, le Grupo M. Une grève d'une journée, organisée le 7 juin, avait débouché sur un accord entre Grupo M et le syndicat Sokowa pour la reprise du travail et l'ouverture de négociations. Mais l'accord ne fut pas respecté, et le Grupo M licencia plus de la moitié des ouvriers.

Cette décision a été condamnée par la Confédération Internationale des Syndicats Libres CISL). La CISL dénonce « une nouvelle offensive antisyndicale de la part d'une des principales sociétés de textile des Caraïbes ». Elle a appelé la Banque mondiale à intervenir en faveur des travailleurs haïtiens licenciés. En effet, c'est grâce à un prêt de 20 millions de dollars de la Banque mondiale que le Grupo M a pu construire son usine de Ouanaminthe. La CISL a également adressé une lettre au président haïtien par intérim, Alexandre Boniface. Elle lui demande d'exiger du Grupo M la réintégration immédiate des employés congédiés et l'ouverture de négociations.

Selon la Fédération internationale des travailleurs du textile, les ouvriers de l'entreprise «protestaient contre la violence, le harcèlement, les pratiques dégradantes (notamment dans le cas de quatre dirigeantes syndicales déshabillées de force), les passages à tabac, les enlèvements et le non-paiement des salaires. »

>>> EN BREF

Aux Gonaïves, dans la nuit du 15 au 16 juin, au moins trois personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées par balles, selon l'AHP. La même nuit, le marché communal de la ville a été partiellement détruit par le feu. L'origine du sinistre demeure jusqu'à présent inconnue.

Harold Bazile, un criminel notoire surnommé « une balle à la tête, a été blessé « lors d'échanges de tirs avec la police ». Il est mort peu après. Le 1er janvier, il s'était évadé mystérieusement du pénitencier national en compagnie de plusieurs centaines de prisonniers de droit commun. Selon Alterpresse, il figurait parmi les hommes de main très redoutés du régime de l'ancien président Aristide.

Un Français travaillant pour l'ONG irlandaise Concern, Pascal Cassotti, est décédé dans la région de Thiotte. Son camion, chargé de matériel pour les sinistrés des dernières inondations, est tombé dans un ravin.

Dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince, l'alimentation en énergie électrique s'est beaucoup améliorée depuis trois semaines. Un contrat entre le gouvernement et la compagnie américaine Alston a été signé récemment pour la fourniture mensuelle de 30 megawatts d'électricité pour une durée renouvelable de six mois. En revanche, la ville du Cap-Haïtien est plongée dans le noir depuis plusieurs jours. Selon Nonce Zéphyr, sa compagnie SOGENER aurait coupé l'alimentation en courant électrique en raison des retards de paiement.

Le directeur général de la police, Léon Charles, ne s'est pas présenté le 16 juin au tribunal correctionnel. Il avait été convoqué dans le cadre de l'affaire Annette Auguste (Sò Anne), une proche de l'ancien président Aristide arrêtée en pleine nuit à son domicile le 9 mai, et toujours détenue.

Le ministre de l'Economie et des Finances Henri Bazin a annoncé une augmentation de salaires de 30% pour les employés de l'Etat à partir du mois de septembre. Etant donné la hausse des prix, cette augmentation est jugée insuffisante par beaucoup d'employés.

Dans le cadre de la préparation de la période cyclonique, la Croix-Rouge française a débuté à Mirebalais un programme de formation aux premiers soins.

Au moins 200 Haïtiens sans papier se sont révoltés dans une prison dominicaine. Ils refusaient d'être rapatriés. Ils ont cependant été expulsés en Haïti.

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