Une Semaine en Haïti – n° 708 – Lundi
28 juin 2004
Un grave incendie au centre commercial de Port-au-Prince pourrait être d'origine criminelle
Assassinat du directeur de l'antenne d'Air France en Haïti
Yvon Neptune a été arrêté et incarcéré au pénitencier national
Les cent premiers jours du gouvernement provisoire ne font pas l'unanimité
La MINUSTAH entre en fonction
>>> Un grave incendie dans le centre commercial de Port-au-Prince pourrait être d'origine criminelle
Le centre commercial de Port-au-Prince, plus particulièrement la zone de la rue des Fronts Forts, a été le théâtre d'un incendie. Le sinistre, qui s'est déclaré dans la soirée du 22 juin, continuait de se propager le lendemain matin malgré les efforts des sapeurs pompiers soutenus par des policiers haïtiens et des casques bleus. Cet incendie a détruit plus d'une trentaine de maisons de commerce et des dizaines de caissons de marchandises de petits commerçants. Certains estiment les dégâts à près de 15 millions de dollars. Le ministre de la justice, Bernard Gousse, a indiqué que les premiers éléments de l'enquête montrent qu'il s'agit d'un acte criminel.
Le directeur de la police a offert 250.000 gourdes à tout informateur permettant de retrouver auteurs et complices de l'incendie de la rue des Fronts Forts. Le Ministre de l'Économie et des Finances, Henri Bazin, a annoncé le déblocage de 5 millions de gourdes en faveur des petits commerçants de la rue des Fronts Forts. Une commission d'évaluation des dégâts devrait permettre de débloquer d'autres sommes en faveur cette fois-ci des propriétaires de magasins.
Un incendie de moindre importance, et dont l'origine demeure inconnue, avait déjà éclaté au centre ville trois jours plus tôt, à la rue Bonne Foi.
Aux Gonaïves, le marché communal avait été partiellement consumé dans la nuit du 15 au 16 juin. Des témoins avaient déclaré à des journalistes avoir entendu des tirs avant que le feu éclate. Deux millions de gourdes ont été décaissés en faveur des victimes de l'incendie.
>>> Assassinat du directeur de l'antenne d'Air France en Haïti
Le 24 juin, le directeur d' Air France en Haïti, Didier Mortet, a été tué à Port-au-Prince par trois inconnus circulant à moto. Revenant de France, il approchait en voiture de son domicile situé dans le quartier résidentiel de Musseau quand les trois hommes ont tiré plusieurs coups de feu. Didier Mortet a été atteint d'une balle au bras et d'une autre au cœur. Il était accompagné de sa femme et de son chauffeur, mais lui seul a été touché.
La police haïtienne n'exclut aucune hypothèse sur les raisons du crime : tentative d'enlèvement, règlement de comptes ou volonté de déstabiliser le pays. Il est ainsi possible qu'il ait découvert certains trafics se déroulant à l'aéroport international. La France attend "davantage d'informations", a déclaré le Quai d'Orsay.
>>> Yvon Neptune a été arrêté et incarcéré au pénitencier national
Depuis le matin du 27 juin, Yvon Neptune occupe une cellule du pénitencier national. Le 25 juin, Gérard Latortue avait réagi vivement à l'assassinat du directeur d'Air France en Haïti et à l'incendie du centre commercial de Port-au-Prince. Il avait pointé du doigt l'ancien président Aristide et l'ex-premier ministre Yvon Neptune. Il a fait directement référence à une récente déclaration d'Yvon Neptune sur la station pro-Lavalas Radio Solidarité. Concernant l'incendie de la rue des Fronts Forts, il a déclaré que le feu était l'arme par excellence de Jean-Bertrand Aristide. Il a prévenu que la réaction du gouvernement, qui se ferait dans le cadre de la loi, serait des plus fermes.
On a ensuite appris qu'un juge d'instruction de Saint-Marc avait signé un mandat d'amener visant Yvon Neptune. Ce juge est chargé de l'enquête sur le massacre qui se serait déroulé dans cette ville dans les semaines précédant le départ du président Aristide.
Des sources dignes de foi ont rapporté à AlterPresse qu' Yvon Neptune a pris contact avec la police le 26 juin et qu'un rendez-vous a été pris pour le lendemain. Pierre Espérance, coordonnateur de la Coalition nationale pour les droits des Haïtiens (NCHR), lui a rendu immédiatement rendu visite en prison. « Personne n'est au dessus de la loi » a-t-il déclaré à AlterPresse. Il a souhaité que les droits de l'ancien premier ministre soient respectés.
L'ambassade américaine a publié un communiqué pour demander aux autorités haïtiennes « de veiller à la dignité de l'ancien premier ministre et surtout d'à assurer sa sécurité ». Elle affirme son "respect" pour Yvon Neptune pour le "rôle crucial et courageux qu'il a joué pour assurer une succession constitutionnelle et pacifique après la démission et la fuite en exil de Jean-Bertrand Aristide".
>>> Les cent premiers jours du gouvernement provisoire ne font pas l'unanimité
Plusieurs associations syndicales, notamment l'Union Nationale des Normaliens Haïtiens (UNNOH) et le Syndicat du Personnel Infirmier (SPI), dressent un bilan négatif des 100 premiers jours du gouvernement Latortue. Elles estiment, selon l'AHP, que les revendications de la grande majorité des participants au mouvement de l'hiver dernier n'ont pas été satisfaites. Le coordonnateur de l'UNNOH Josué Mérilien, a déclaré que le phénomène de corruption continue de faire rage dans les institutions publiques.
Dans les premières semaines suivant l'installation du gouvernement provisoire, Me Osner Févry avait été accusé de s'être enrichi illégalement à l'occasion de l'achat d'un stock de carburant. Une enquête menée par le Conseil des sages a montré qu'il s'agissait de calomnie et qu'il n'y avait pas eu de surfacturation. L'enquête a toutefois révélé que les procédures d'achat n'ont pas été respectées. Des fournisseurs auraient engagé une lutte pour avoir le monopole du marché.
Des centaines d'élèves sont descendus dans les rues des Gonaïves le 18 juin. Les manifestants ont demandé au gouvernement de mettre en place des dispositifs de sécurité pour assurer la protection de certains édifices publics, dont ils craignent qu'ils soient incendiés. Ils ont demandé l'arrestation de l'ancien premier ministre Yvon Neptune. Pendant ce temps, à Port-au-Prince, des centaines de partisans du régime Lavalas, encadrés par la police, ont manifesté pour réclamer le retour au pouvoir de Jean Bertrand Aristide.
Le 18 juin, l'ancien président a appelé le peuple haïtien à "continuer de se mobiliser en vue du rétablissement de la paix et du retour à l'ordre constitutionnel dans le pays". Il participait depuis l'Afrique du Sud à une émission sur plusieurs stations de radio aux Etats-Unis. Il a dénoncé les nombreux cas de vols, de viols et de kidnapping enregistrés ces derniers temps dans le pays. Il a annoncé la publication prochaine d'un livre sur les événements du 29 février.
>>> La MINUSTAH entre en fonction
Le 25 juin s'est déroulée une cérémonie de transfert d'autorité entre la Force multinationale intérimaire et la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Le premier ministre Gérard Latortue a remis une plaque avec l'inscription « Honneur et Mérite » au chef de la Force multinationale, le général américain Ronald Coleman, ainsi qu'à des officier français, canadien et chilien au nom de leurs contingents.
Mercredi 23 juin, le responsable de la composante policière de la MINUSTAH, le superintendant portugais Adilio Custodio, avait rappelé à la presse le mandat que lui fixe la Résolution 1542 de l'ONU : « Assistance, appui, encadrement de la Police Nationale d'Haïti dans le respect de la souveraineté nationale ». Quelque cinquante-huit experts, en plus d'une cinquantaine de formateurs, sont attendus. Une assistance en matériel et en équipement est également promise. Adilio Custodio a rappelé que la police nationale avait la charge de toutes les opérations de maintien de l'ordre.
>>> EN BREF
Les habitants de Mapou, cette commune noyée sous les eaux depuis la fin mai, sont toujours dans une situation précaire. A la moindre goutte de pluie ils gagnent les hauteurs, de crainte d'une nouvelle catastrophe. Ils se plaignent d'une mauvaise distribution de l'aide d'urgence. Des médecins cubains rapportent des cas de diarrhée et de difficultés respiratoires. Les rumeurs faisant état d'épidémies ont été cependant démenties. L'Eglise catholique du département du Sud-Est a alerté les autorités responsables sur le détournement d'une partie de l'aide.
Le délégué du parti KID (Konvansyon Inite Demokratik) dans le Sud, Eddy Charles, a été assassiné par des individus non identifiés. Les responsables de ce parti ont qualifié ce crime d'acte politique.
Une délégation d'Amnesty international qui a enquêté en Haïti au cours du mois d'avril a publié un rapport. Elle exprime ses graves préoccupations quant à la sécurité de la population civile en raison des exactions commises par des groupes armés.
L'ambassadeur américain James B. Foley, a demandé au gouvernement intérimaire de lever la mesure d'interdiction de départ prise à l'encontre d'anciens dirigeants Lavalas. L'ancien ministre Leslie Voltaire a déjà pu se rendre à Washington pour participer à un festival consacré à la culture haïtienne. Il aurait obtenu une autorisation écrite du premier ministre Gérard Latortue.
Le porte-parole de la force multinationale David Lapan, a démenti les déclarations de Dany Toussaint selon lesquelles toutes les armes confisquées chez lui étaient légales. Selon David Lapan, au nombre des armes illégales saisies figurent des mitraillettes UZI, des lance-grenades et des armes de poing.
L'ancien premier ministre Jean-Marie Chérestal proteste contre les accusations d'un ancien partisan Lavalas, Sonia Desrosiers. Il serait accusé d'avoir pris part à un rite sacrificiel en mars 2002 dans la résidence de Tabarre de l'ex-président Aristide. Il annonce une action en justice contre les auteurs de telles allégations.
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