Une Semaine en Haïti – n° 712– Lundi
16 août 2004
Nouveau scandale dans la zone franche de Ouanaminthe
Louis Jodel Chambelain pourrait être jugé à la va-vite
Le Conseil électoral provisoire essaye de surmonter ses dissensions
Une centaine de militaires démobilisés défilent à Port-au-Prince
Trois présidents latino-américains assisteront au match de football Brésil/Haïti
>>> Nouveau scandale dans la zone franche de Ouanaminthe
En mars puis en avril, les ouvriers de la zone franche CODEVI de Ouanaminthe ont reçu deux injections d'un prétendu vaccin. L'encadrement leur a dit qu'il s'agissait du vaccin du tétanos. Mais il ne leur a pas donné de livret de vaccination et il n'a pas été demandé d'autorisation au ministère de la Santé. Selon de nombreux témoins, un mélange de deux produits, l'un transparent et l'autre blanchâtre leur a été administré. Or, le vaccin du tétanos est incolore. Dans les semaines suivant la seconde injection, plusieurs dizaines d'ouvrières et d'ouvriers ont souffert de troubles, plus ou moins graves selon les cas.
Une équipe de 3 membres de l'Union des médecins haïtiens est allée enquêter sur place. Elle a rencontré une quarantaine de personnes ayant présenté des troubles dans les semaines suivant les injections. Les troubles les plus importants concernent l'appareil reproducteur : avortements, mort du ftus dans le ventre de la mère, absence de règles ou saignements très abondants, gonflement des testicules. Une jeune mère dit qu'elle ne sécrète plus de lait. Un homme au contraire affirme qu'un peu de lait s'écoule de sa poitrine.
Beaucoup d'ouvrières pensent que la direction de CODEVI leur a injecté un produit pour les empêcher d'avoir des enfants afin de les rendre plus productives. L'Union des médecins haïtiens demande au gouvernent de prendre ses responsabilités et de faire la lumière sur ce dossier.
>>> Louis Jodel Chambelain pourrait être jugé à la va-vite
La Coalition nationale pour les droits des Haïtiens (NCHR) a appris que du 16 au 20 août tiendra une session spéciale d'assises criminelles. Selon la NCHR, Louis Jodel Chambelain va être rejugé pour son implication dans l'assassinat en 1993 du commerçant et militant politique Antoine Izméry. L'ancien numéro 2 du FRAPH avait été condamné par contumace et s'était constitué prisonnier après le départ de Jean-Bertrand Aristide afin de pouvoir bénéficier d'un nouveau jugement.
Selon la NCHR, un autre homme va être jugé en même temps que Louis Jodel Chambelain pour l'assassinat d'Antoine Izméry. Il s'agit de l'ex-capitaine Jackson Joanis, qui s'est rendu à la police le 10 août. S'étant réfugié aux Etats-Unis en 1994,il avait été condamné par contumace l'année suivante. Mais il fut extradé en 2002 par le gouvernement américain et enfermé au pénitencier national. Il s'en est évadé le 29 février dernier.
La NCHR se dit profondément préoccupée par des informations circulant dans les couloirs du Palais de Justice. Elles indiqueraient que « ce procès, organisé, de manière incompréhensible, à la va-vite, n'est que le résultat d'un compromis politique entre le gouvernement provisoire de la République et les anciens rebelles pour blanchir l'ex-numéro 2 du FRAPH ».>>> Le Conseil électoral provisoire essaye de surmonter ses dissensions
Le Conseil électoral provisoire a connu une grave crise interne ces dernières semaines. Un accord a finalement été trouvé entre ses membres le 6 août. Il porte notamment sur les recrutements contestés effectués par la présidente du CEP, la mise à jour d'un règlement interne, l'établissement d'une présidence tournante, la fin de toute agression verbale et la création d'une cellule de presse. Le CEP a bénéficié de la médiation de représentants des partis politiques formant le Comité de suivi de l'accord de transition du 4 avril.
De leur côté, les partis politiques s'organisent en vue des élections de l'année prochaine. Le RDNP a investi Leslie Manigat comme candidat à la présidence de la République. Trois partis politiques, l'OPL, le KONAKOM et le PANPRA se préparent à fusionner. En visite dans le Plateau central pour expliquer leur projet de fusion, Serges Gilles (PANPRA) et Victor Benoît (KONAKOM) se sont déclarés favorables au désarmement de tous les groupes armés du pays, y compris les anciens militaires.
Le parti Fanmi Lavalas, qui ne participe pas au CEP, continue de dénoncer la répression qui frapperait ses membres. Il accuse notamment le gouvernement de vouloir emprisonner le maire de Milot, Moïse Jean-Charles. Des manifestations devaient être organisées le 14 août à Port-au-Prince et dans le Nord du pays.
>>> Une centaine de militaires démobilisés défilent à Port-au-Prince
Les militaires démobilisés continuent de réclamer le paiement de 10 ans et 7 mois d'arriérés de salaires. Un de leurs porte-parole, Rémicinthe Ravix, a affirmé qu'à l'exception de ceux qui ont atteint l'âge de la retraite, les anciens militaires ne toucheront pas les fonds de pension que leur promet le gouvernement. Selon lui, les anciens militaires ont l'intention de nommer un haut commandement intérimaire pour coiffer les forces armées. Il a annoncé un défilé de militaires démobilisés le 15 août à Port-au-Prince. Selon Radio Kiskeya, plus d'une centaine de personnes ont répondu à son appel et ont défilé au rythme d'une fanfare, les uns en uniforme, les autres en civil. Certains portaient des armes. Pendant le défilé, un important dispositif de casques bleus et de blindés légers est venu renforcer la police dans l'aire du Palais national.
De son côté, James Jean Louis, qui se dit lui aussi porte-parole de militaires démobilisés, a lancé un appel à ses frères d'armes pour qu'ils le rejoignent dans le Plateau central, à Pernales, entre le 10 et 15 août pour recevoir ses consignes. Aux Cayes, les anciens militaires auraient commencé à réoccuper les casernes.
>>> Trois présidents latino-américains assisteront au match de football Brésil/Haïti
Treize mille spectateurs sont attendus le mercredi 18 août au stade Sylvio Cator pour assister au match pour la paix qui opposera les équipes du Brésil et d'Haïti. Plusieurs écrans géants permettront à ceux qui n'auront pas un billet de suivre le match.
Le président brésilien Lula et ses homologue de l'Uruguay et de l'Argentine assisteront au match. Pour le premier ministre Gérard Latortue, cette rencontre est « la réalisation d'un grand rêve pour le peuple haïtien » et « va insuffler un regain d'espoir » à Haïti. Il donnera personnellement 1000 dollars au joueur haïtien qui marquera le premier but et 100 dollars à chaque joueur si Haïti arrive à vaincre le Brésil. De son côté, le président Lula aurait demandé à l'équipe brésilienne de ne pas marquer trop de buts.
Ronaldo a promis d'organiser dans les mois à venir un match contre la pauvreté et d'utiliser une partie des fonds pour financer des projets en Haïti. Le milieu de terrain de la sélection brésilienne Ronaldinho a prévu d'offrir 150 000 dollars aux enfants d'Haïti.
Le match pourrait être troublé par un événement inattendu. Les policiers, qui demandent une augmentation de salaire de 100 % menacent d'entrer en grève le 16 août. Le gouvernement a décidé de leur accorder 60% d'augmentation et leur a promis plusieurs autres avantages. Le gouvernement nord-américain a annoncé qu'il débloquerait 6 millions de dollars pour la police haïtienne et fournirait un important lot de matériel et d'équipements. Si les policiers se mettent en grève, le commandant de la brigade de la force de paix en Haïti, le brésilien Americo Salvador de Oliveira, a déclaré que la venue du président Lula et de l'équipe de football de son pays pourrait être annulée pour des raisons de sécurité.
>>> EN BREF
Le ministère de la Santé Publique a annoncé le 10 août que seules trois facultés de médecine sont autorisées a fonctionner : celles de l'Université d'Etat, de l'Université Quisqueya et de l'Université Notre-Dame d'Haïti. Cette disposition frappe notamment l'Université Lumière dont les étudiants avaient gagné les rues pour réclamer la reconnaissance de leur diplôme. Le 13 août, la police a chassé brutalement des étudiants de cette université qui occupaient le ministère de la Santé publique. Deux étudiants ont été blessés.
Des sociétaires victimes de la faillite des coopératives d'épargne ont séquestré Henriot Pétiote, le directeur du Conseil national des coopératives. Ils l'accusent d'avoir participé au vol de l'argent des sociétaires sous Jean-Bertrand Aristide et exigent sa destitution.
La route nationale 1 a été bloquée avec des barricades de pneus enflammés au niveau de Descahos. Ce mouvement a été organisé par des habitants qui veulent attirer l'attention sur le mauvais état de la route. Les syndicats de chauffeurs de l'Artibonite menace d'observer un arrêt de travail si le gouvernement ne répare pas le tronçon reliant Gonaïves à Saint-Marc.
Deux hommes soupçonnés d'avoir participé à l'assassinat de Jean Dominique et Jean-Claude Louissaint, le gardien de Radio Haïti Inter, ont été arrêtés. Ils s'étaient échappés du pénitencier national le 29 février.
Une commission de neuf historiens a été chargée par le gouvernement de préparer une nouvelle célébration du bicentenaire de l'Indépendance nationale. Elle commencera le 18 novembre, date marquant le 201ème anniversaire de la bataille de Vertières.
Jean-Yves Noël a été installé directeur de l'Unité centrale de renseignements financiers. Cette unité avait été prévue par une loi de 2001 pour lutter contre le blanchiment d'argent. Placée sous l'autorité des ministères de la Justice et des Finances, elle aura pour mission de combattre la corruption, la drogue, le blanchiment d'argent et le trafic d'armes. « La délinquance financière fait plus de tort à nos entreprises, à notre économie, à notre pays que les crimes mineurs - commis pour des besoins de survie » aurait déclaré le ministre de la Justice, Bernard Gousse.
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