Une Semaine en Haïti – n° 715 – Lundi
13 septembre 2004
L Haïti a presque été épargné par le cyclone Ivan
Les relations se tendent entre la police et les ex-militaires
Vaste opération de police à Cité Soleil après la mort de plusieurs personnes
Le Conseil de sécurité appelle au démantèlement des groupes armés en Haïti
La France et le Canada veulent travailler ensemble à la reconstruction d’Haïti
>>> Haïti a presque été épargné par le cyclone Ivan
Le cyclone Ivan est l’un des plus puissants qu’aient connu les Caraïbes depuis des dizaines d’années. Dans l’île de Grenade, deux tiers des maisons ont été mises à terre. Les destructions sont importantes également en Jamaïque, et les Cubains attendent avec angoisse l’arrivée du cyclone.
Le gouvernement haïtien avait pris des dispositions pour limiter ses effets. Mais heureusement, Ivan n’a fait que frôler Haïti. Seuls des dégâts matériels ont été enregistrés. Vendredi 10 septembre, la commission gouvernementale d’urgence a levé l’alerte cyclonique.
Le ministre de l'Intérieur et de la Sécurité nationale, l'ex général Abraham, a déclaré que dans le Sud-Est, des maisons ont été détruites dans plusieurs localités côtières et qu’un pont a été endommagé. Dans le Sud il y a eu des vents très forts, et une partie de la ville d’Aquin a été inondée. Plusieurs départements ont enregistré de fortes pluies et les responsables de la météo craignent des inondations.
>>> Les relations se tendent entre la police et les ex-militaires
Depuis plusieurs semaines, des ex-militaires, en treillis, armés et se déplaçant dans des véhicules au logo des anciennes Forces armées, font des démonstrations de force, et occupent les commissariats de plusieurs villes.
Mercredi 8 septembre, le premier ministre Gérard Latortue a affirmé sa volonté de trouver une solution négociée. "C'est une affaire illégale, une provocation", a-t-il dénoncé, tout en soulignant que son gouvernement avait décidé "de ne pas faire usage de la force". Le gouvernement intérimaire vient de nommer une « commission citoyenne de réflexion sur le devenir de l’armée ».
Le 7 septembre, deux anciens militaires ont été tués et un policier a été blessé à Port-au-Prince. Selon la police, ces événements se sont déroulés près des bureaux du premier ministre, lors d'un accrochage entre une patrouille de la police et des ex-militaires. La patrouille aurait été prise pour cible par des militaires circulant à bord d'un véhicule de l'ancienne armée et aurait riposté à ses tirs. Cette version est contestée par l'ex-sergent Ravix Remissainthe, qui s'est auto-proclamé commandant en chef des anciens militaires. Il assure que ses collègues ont été pris en chasse par les policiers.
La police indique avoir récupéré à cette occasion un fusil M-14 et deux revolvers qui lui avaient été volés.
En représailles après la mort des deux anciens militaires, le commissariat de Mirebalais a été attaqué et un policier a été enlevé. Dans la ville de Petit-Goave, quatre policiers ont été molestés et désarmés. Mercredi, un militaire démobilisé aurait été tué à Hinche, lors d’une altercation avec des policiers de l’Unité départementale de maintien de l’ordre (UDMO).
La direction générale de la police a demandé aux anciens militaires « de mettre fin à leur campagne d'intimidations et de provocations et d'emprunter la voie de la sagesse et du dialogue ». Elle a demandé aux policiers de renforcer la sécurité dans les commissariats.
Au Cap-Haïtien, un défilé d'anciens militaires réclamant la reconstitution de l'armée a été suivi par plusieurs centaines de leurs partisans. Des sympathisants de Lavalas ont tenté de manifester aussi et des pierres ont été lancées de part et d’autre, amenant les anciens militaires à tirer des coups de feu. Les casques bleus et des policiers haïtiens ont tenté de contrôler la situation.
A Saint-Marc, les militaires démobilisés qui se sont installés le 6 septembre dans les locaux d'un ancien hôpital, ont été presque aussitôt contraints de quitter les lieux par un détachement de soldats de la MINUSTAH.
Selon l’AHP, les militaires démobilisés des Cayes ont annoncé qu'ils procéderont à partir du 16 septembre à la réinstallation des anciens chefs de section dans tout le département du Sud.
>>> Vaste opération de police à Cité Soleil après la mort de plusieurs personnes
De 5 à 16 personnes, selon les sources, ont été tuées en quelques jours à Cité Soleil après la résurgence de conflits entre des bandes armées. Jeudi 9 septembre, la police a mené une vaste opération de désarmement dans le bidonville, et plus de 100 personnes auraient été interpellées. L’opération aurait duré 12 heures avec la participation de 425 policiers et l'aide d'éléments français et jordaniens de la MINUSTAH.
Un chef de gang, surnommé "Wilmey", militant pro- Aristide, a tenté de s'interposer et des coups de feu ont été tirés sans faire de blessé, a-t-on précisé de source policière. Fanmi Lavalas dénonce l’opération menée à Cité Soleil, qui, selon l’AHP, aurait fait au moins quatre morts. Ce parti y voit une action politique visant à intimider les habitants du bidonville à la veille d’une manifestation commémorant le massacre de Saint-Jean-Bosco du 11 septembre 1988.
Selon Guy Philippe, aujourd’hui responsable du Front de reconstruction nationale, « à chaque fois que les autorités intérimaires parlent de désarmement, leurs regards convergent automatiquement sur les quartiers populaires, dont Cité Soleil et Bel-Air. » Il a ajouté qu’il faut également penser à désarmer ceux qu'il nomme les "délinquants cravatés".
>>> Le Conseil de sécurité appelle au démantèlement des groupes armés en HaïtiLe Conseil de sécurité des Nations unies a appelé le 10 septembre au démantèlement et au désarmement d'urgence de tous les groupes armés illégaux encore actifs en Haïti.
Dans une déclaration lue par son président, l'ambassadeur d'Espagne à l'Onu , le Conseil de sécurité a souligné "la nécessité pour le gouvernement de transition haïtien d'étendre son contrôle et son autorité sur tout le pays".
Cette déclaration s'inspirait largement d'un rapport du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan diffusé quelques jours plus tôt. Le Conseil de sécurité note que "la situation d'ensemble s'est améliorée en Haïti depuis février dernier". Mais il constate que beaucoup reste à faire sur le plan de "la stabilité et de la sécurité", qui sont "la clé des efforts de reconstruction politique et économique" du pays.
Le Conseil appelle le gouvernement à mener à bien "un programme de désarmement, démobilisation et réintégration" (DDR) avec l'aide de la MINUSTAH, à mettre fin à "l'impunité", à mettre sur pied "une police professionnelle" et à "améliorer la situation des droits de l'homme".
>>> La France et le Canada veulent travailler ensemble à la reconstruction d’Haïti
Les ministres français et canadien des Affaires étrangères ont annoncé que leurs deux pays avaient l'intention d'aider à la reconstruction politique et économique en Haïti.
"Je pense qu'avec d'autres pays d'Amérique du sud et d'Amérique centrale, dans le cadre des Nations unies, nous avons des choses à faire pour la reconstruction politique et économique d'Haïti", a déclaré à la presse Michel Barnier, à l'issue d'un entretien avec son homologue canadien, Pierre Pettigrew.
Le ministre canadien a confirmé que la reconstruction d'Haïti figure parmi les "projets communs" de la France et du Canada, et a ajouté qu'il se rendrait en visite à Port-au-Prince les 27 et 28 septembre.
>>> EN BREF
Le Conseil électoral provisoire (CEP) a tenu un colloque de trois jours avec des partis politiques. Les débats ont notamment porté sur le projet de carte électorale digitalisée et de vote électronique. Il a été indiqué que le CEP n’avait pas encore adopté de position au sujet du vote électronique.
La rentrée des classes est prévue pour le 13 septembre. Le ministre des Finances, Henry Bazin, a annoncé le décaissement par le gouvernement de près de 2 milliards de gourdes. Sur cette somme, quatre cents millions seront dépensées en matériels scolaires, 300 millions en uniformes, 294 millions seront allouées aux agents de la fonction publique, en plus du salaire mensuel.
Le gouvernement intérimaire a annoncé la levée prochaine des mesures d'interdiction de départ qui frappent certains membres de l’administration Aristide.
A l’invitation du gouvernement intérimaire, onze membres du Conseil permanent de l’OEA ont effectué une visite en Haïti du 9 au 11 septembre. Ils ont notamment rencontré des responsables de Fanmi Lavalas, qui leur ont fait part des persécutions et des arrestations arbitraires dont leurs militants seraient victimes.
Le gouvernement espagnol a autorisé l'envoi en Haïti de 200 soldats, qui feront partie d'un contingent hispano-marocain dans le cadre de la Minustha. Le contingent espagnol sera formé d'une unité d'infanterie de marine, qui s'unira aux effectifs marocains, composés de 150 militaires.
Dans un communiqué, la Commission inter-américaine pour les droits de l’homme s’est dit « particulièrement préoccupée par la situation de la sécurité en Haïti, où de des groupes armés semblent avoir le contrôle de la sécurité dans certaines régions et où l’Etat n’apporte pas une protection adéquate aux habitants de ces régions ». Le texte met l’accent sur l’importance pour le pouvoir de prendre les mesures d’urgence nécessaires pour désarmer ces groupes, en collaboration avec la communauté internationale.
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