Une Semaine en Haïti – n° 716 Lundi 20 septembre 2004

Le cyclone Jeanne provoque des centaines de morts dans le nord d’Haïti

Assassinat d’un pasteur très connu

Signature d’une déclaration de principe par le gouvernement et les ex-militaires

Les anciens militaires posent de nouvelles conditions

Le désarmement, une question essentielle, selon le chef de la MINUSTAH

Gérard Latortue critique le rôle des Nations unies en Haïti

Le Groupe des 184 appelle le gouvernement à redresser la barre

 

>>> Le cyclone Jeanne provoque des centaines de morts dans le nord d’Haïti

Le bilan ne cesse de s’alourdir depuis le passage du cyclone Jeanne à proximité d’Haïti. Un bilan provisoire fait état de plus de 300 morts, essentiellement dans la ville des Gonaïvres. On attend avec angoisse les résultats d’une mission de reconnaissance à l’île de la Tortue, qui pourrait être entièrement submergée. Deux jours de pluies ininterrompues ont provoqué des inondations et des glissements de terrain, surtout dans l’Artibonite et le Nord-Ouest . Selon la MINUSTAH, 80% de la ville de Gonaïves est inondée, et certains quartiers sont sous trois mètres d’eau. Dans le Nord-Ouest, Chansolmes a été particulièrement affectée. Le passage du cyclone Ivan n’avait causé la mort que de trois personnes.

>>> Assassinat d’un pasteur très connu

Le 13 septembre, la consternation a gagné les milieux protestants après l’annonce de l’assassinat du Pasteur Jean-Molès Lovinsky Berthomieux, âgé de 43 ans. Il animait la très populaire émission évangélique « La manne du matin », que diffuse Radio Caraïbes depuis 15 ans. Il sortait de chez lui pour se rendre à son travail lorsqu’il a été abattu par des hommes armés. Trois personnes ont été arrêtées. Elles auraient attaqué le pasteur pour le voler.

« Il est grand temps de mettre fin à l’impunité qui est source de l’insécurité », demandent les journalistes de Radio Caraïbes. Le secrétaire général de la Fédération protestante, Edouard Paultre, a critiqué la gestion par le gouvernement du dossier de la sécurité.

Une personne est morte asphyxiée et plusieurs autres ont été blessées au Champ-de-Mars, où plusieurs dizaines de milliers de personnes ont convergé pour assister aux funérailles, qui ont alors été reportée d’une journée. Des manifestations spontanées ont éclaté aux cris de « A bas les assassins, vive la justice, vive le désarmement ! ».

>>> Signature d’une déclaration de principe par le gouvernement et les ex-militaires

Le gouvernement provisoire et les militaires démobilisés ont convenu de résoudre le différend qui les oppose par la voie du dialogue. Une « déclaration de principe » a été paraphée le 12 septembre par la commission présidentielle de négociation, dirigée par la ministre du commerce Danielle Saint Lot, et par des personnalités mandatées par les militaires démobilisés. Mgr Guire Poulard était parmi ces dernières, mais n’a pas apposé sa signature. Les deux parties se sont entendues sur l’évacuation « volontaire et pacifique » des édifices publics occupés par les ex-militaires et sur les travaux à réaliser en vue d’un accord sur les revendications des anciens militaires. La déclaration souligne la nécessité de respecter l’autorité de l’Etat.

Le 8 juillet, le Conseil supérieur de la police avait annoncé que les anciens militaires et les ex « rebelles » avaient jusqu'au 15 septembre pour déposer leurs armes. Mais, au lendemain de la signature du texte, une porte-parole de la police haïtienne a déclaré : « Il n’y a pas de date pour commencer ou mettre un terme au désarmement ». Elle a affirmé que les détenteurs d'armes illégales ont simplement été invités à rendre ces dernières « volontairement » à la police ou à les faire enregistrer légalement dans un délai ne dépassant pas le 15 septembre.


>>> Les anciens militaires posent de nouvelles conditions

Malgré l’accord signé le 12 septembre, les militaires démobilisés posent des nouvelles conditions pour se retirer du commissariat de police de Petit-Goâve, qu’ils occupent depuis plus de trois semaines. Ces anciens soldats conduits par l’ex sergent Rémissainte exigent de l’Etat un nouveau bâtiment afin d’établir leur base.

Dans le Sud, des militaires démobilisés ont appelé à la mobilisation pour exiger le rétablissement des Forces armées d'Haïti. Ils déclarent ne pas reconnaître la Commission présidentielle de négociation.

Le commissariat de Pétion-Ville était en état d’alerte le mercredi 15 septembre pour contrer une éventuelle attaque d’un groupe d’anciens militaires. Ils se seraient apprêté à libérer un de leurs proches, l’homme d’affaires Jean-Claude Louis-Jean, considéré comme l’un des financeurs de leur mouvement. L’ancien commandant des ex « rebelles », Guy Philippe, a démenti toute intention des anciens militaires de lancer une attaque à Pétionville. Selon lui, il s’agit là d’une rumeur montée de toutes pièces pour déstabiliser le pays et justifier une mise sur tutelle d’Haïti.


>>> Le désarmement, une question essentielle, selon le chef de la MINUSTAH

Le représentant spécial du secrétaire général des Nations-Unies en Haïti, Juan Gabriel Valdes, considère le désarmement des anciens militaires et des groupes armés comme “une question essentielle”. S’adressant à la presse le 15 septembre, Valdes a dit comprendre le processus de dialogue initié par le gouvernement. Mais il a rappelé que ce dialogue doit inclure « la question du désarmement comme une question essentielle ». Il estime que ceux qui participent au dialogue ne peuvent pas en même temps conserver leurs armes. La communauté internationale « ne veut pas de la violence en Haïti » mais, tenant compte du mandat donné par le Conseil de Sécurité de l’ONU, « à un certain moment, nous allons nous confronter avec les groupes qui conservent leurs armes », a affirmé le chef de la MINUSTAH.

La France appelle, elle aussi, Haïti à conduire avec détermination le processus de désarmement, considéré comme une priorité, a indiqué le 17 septembre le porte-parole du Quai d’Orsay, Hervé Ladsous. La France a mis à la disposition de la MINUSTAH un contingent de 60 gendarmes et policiers, qui doit être bientôt complété par 20 nouveaux agents, a ajouté Hervé Ladsous.

« Le gouvernement intérimaire prouve clairement qu’il n’a pas la volonté de désarmer les détenteurs d’armes illégales », estiment des responsables d’organisation de défense des droits humains. Alors qu’il avait annoncé une campagne de désarmement massif à partir du mercredi 15 septembre, les autorités n’ont rien fait, ont-ils expliqué.

>>> Gérard Latortue critique le rôle des Nations unies

Au cours d'une visite effectuée à Radio-Caraïbes après le meurtre du Pasteur Berthomieux, Gérard Latortue a défendu l’action gouvernementale en matière d’insécurité. Tout en reconnaissant que le chômage et les inégalités sociales étaient largement responsables de l'aggravation de l'insécurité, Gérard Latortue a mis en cause le maintien de l’embargo international sur les ventes d’armes à l’Etat haïtien. Il a parlé à ce sujet de « chantage international sous forme d'embargo sur la vente d'armes à la police ». Il a également souligné les dégâts causés par l’expulsion en Haïti de délinquants, qualifiés "de tueurs à gages ».

Il s’est interrogé sur le rôle de la MINUSTAH. « Comment comprendre que des gens sortant avec fanfare et armes lourdes en mains puissent circuler librement sous le nez des casques bleus », s'est étonné le premier ministre.

>>> Le Groupe des 184 appelle le gouvernement à redresser la barre

Lors d’une conférence de presse, le coordonnateur du Groupe des 184 organisations de la société civile, André Apaid Jr, a notamment reproché au gouvernement de ne pas respecter l’accord sur la transition politique du 4 avril. Il a critiqué la gestion de certains dossiers comme ceux des militaires démobilisés, des coopératives et de la sécurité. Il a affirmé qu’il n’est nullement question d’accepter le retour à un « régime de peur » comme cela était le cas, selon lui, sous le règne de Lavalas. Son collègue Charles Henri Baker a accusé « l’international » d’empêcher le gouvernement de procéder à l’arrestation des criminels de l’ancien régime.

>>> EN BREF

La rentrée scolaire du 13 septembre a été un échec selon trois syndicats d’enseignants (UNNOH, CNEH, GIEL). Ils reprochent au ministre de l’Education nationale et à son équipe d’agir de façon « irresponsable ». « La rentrée s'est effectuée en demi-teinte mais c'est quand même la rentrée », a lancé le ministre Pierre Buteau, qui a rappelé qu’Haïti vit une situation de crise.

Quatre véhicules incendiés, plus d'une dizaine d'autres endommagés, un immeuble entièrement détruit dans les flammes, plusieurs bureaux saccagés, tel est le bilan de l'attaque menée par des individus armés contre les installations de la Téléco dans le quartier populaire de Sans-Fil dans la nuit du 12 au 13 septembre.

Une centaine de personnes avaient été arrêtées le 9 septembre à Cité Soleil, durant une intervention contre des gangs armés. Parmi elle, une vingtaine a été maintenue en prison. Dans d'autres quartiers de la capitale, la police a procédé à une cinquantaine d'arrestations de personnes soupçonnées d'appartenir à des réseaux de criminels.

Huit armes ont été remises à des forces de police, secondées par des casques bleus, par deux bandes rivales de Petit-Bourg (département du Nord). Elles s’étaient affrontées récemment. Justice et Paix a joué un rôle d’intermédiaire.

Le directeur général du Bureau des Mines a dénoncé la signature d'un contrat entre l'Etat haïtien et deux compagnies américaines, autorisant ces dernières à effectuer des recherches sous-marines sur les côtes haïtiennes. Le contrat auraient été signé à l'insu du Bureau des Mines et du ministère des Travaux publics.

DENOR, une firme argentine, détenue à 90 % par Electricité de France, va établir un diagnostic du réseau électrique haïtien. Le projet sera financé par l’Agence française de développement.

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