Une Semaine en Haïti – n° 724Lundi 15 Novembre 2004

 >>> Initiatives du Canada et du Brésil pour résoudre la crise politique

Dimanche midi, le premier ministre canadien Paul Martin, de passage à Port-au-Prince, a réuni à sa table des ministres et des membres des principaux partis politiques haïtiens, dont Fanmi Lavalas . Refusant le terme de « réconciliation », l’ancien sénateur Gérald Gilles a préféré déclarer : « Nous pourrions trouver un compromis historique pour survivre ». Selon Paul Martin, le Canada s’engage sur le long terme.

Ces dernières semaines, les initiatives diplomatiques se sont multipliées. Le secrétaire général par intérim de l’OEA, Luigi Einaudi, a affirmé que les prochaines compétitions électorales doivent inclure tous les groupes politiques. Les Etats de la CARICOM ne se sont pas mis d’accord pour établir des relations avec le gouvernement de Gérard Latortue, mais ils ont décidé néanmoins d’appuyer les efforts des chefs d’Etats latino-américains du Groupe de Rio.

A l’issue de la réunion tenue récemment à Rio de Janeiro, le conseiller du président Lula pour les relations extérieures, Marco Aurelio Garcia, s’est envolé pour Port-au-Prince. Après avoir multiplié les rencontres, il a souligné que certains "secteurs" du mouvement Lavalas s’opposaient à la violence. Il a réclamé qu’ils soient « intégrés au dialogue de réconciliation nationale et non persécutés ».

Il a appelé le gouvernement à prendre « les mesures juridiques nécessaires pour que le procès de l’ancien régime n’ait pas les caractéristiques de vendetta, mais soit le résultat d’une action propre à un Etat démocratique et de droit ». Il est urgent, a-t-il ajouté, « que des mesures économiques et sociales soient prises en Haïti » pour éviter une détérioration sociale profitant « aux groupes violents ». Selon lui, « il n’a jamais été question pour le Brésil de négocier avec le président déchu et il n’en est pas question pour le moment précis ». Il estime que l’aide internationale arrive trop lentement, et a affirmé son intention de s’en entretenir prochainement avec le gouvernement français.

Pour sa part, l’ancien premier ministre lavalas Jean-Marie Chérestal s’est démarqué de la violence organisée par des partisans de Jean-Bertrand Aristide. Il a souhaité que Fanmi Lavalas fasse son bilan.

>>> Gérard Latortue veut obtenir l'arrestation de Jean-Bertrand Aristide

Le premier ministre Gérard Latortue a annoncé vendredi le prochain lancement d'un "mandat d'arrêt international" contre l'ex-président Aristide, soupçonné de détournements de fonds.

"Des instructions formelles ont été passées au ministre de la Justice pour que ce mandat soit lancé le plus rapidement possible", a précisé Gérard Latortue. Il a précisé qu’il avait déjà fait cette demande au ministre de la Justice. Si lundi, cela n’est pas fait, il lui donnera un ultimatum, a-t-il affirmé.

Le directeur exécutif de la Coalition nationale pour le respect des droits des Haïtiens (NCHR) Pierre Espérance se dit sceptique, estimant que le gouvernement n'a pas encore fait montre d'une réelle détermination à combattre l'impunité. Pour Renan Hédouville (CARLI), il s’agit d’une annonce « pour épater la galerie ».

Selon l’Associated Press, il y a plusieurs années, Jean Bertrand Aristide, s'exprimant devant les médias avait déclaré : « Je suis riche mais je ne suis pas le plus riche ». Il avait précisé que sa fortune provenait des droits d'auteur de ses livres.

Une commission d'enquête administrative sur les détournements de fonds du régime déchu a été créée. Elle est présidée par l'ex-sénateur Paul Denis, membre de l’OPL.

>>> Des policiers seraient impliqués dans un complot visant à assassiner des détenus

La police a ouvert une enquête au sujet de 19 agents de l’administration pénitentiaire. Ils sont soupçonnés d’avoir participé à un complot visant à l’élimination physique de plusieurs prisonniers, dont l’ancien premier ministre Yvon Neptune et l’ancien ministre de l’Intérieur Jocelerme Privert. Les meurtriers en auraient ensuite fait porter le chapeau au gouvernement de transition. Les policiers soupçonnés doivent se présenter tous les jours au bureau de l’Inspection générale jusqu’à ce que la lumière soit faite. Des détenus de Lavalas ont été transférés du pénitencier vers d’autres prisons. La rumeur parle aussi de téléphones portables remis à des prisonniers.

Par ailleurs, le Père Gérard Jean-Juste, le sénateur Yvon Feuillé et l’ancien député Rudy Hérivaux, qui ont été arrêtés au mois d’octobre, ont été entendus par des juges la semaine dernière.

Jeudi, au pénitencier national, l'accès a été interdit aux parents et proches des détenus en raison d’une situation de vive tension. Des prisonniers auraient déclenché un mouvement de protestation. Selon leurs proches, certains auraient ensuite été battus.

>>> Nouvelles victimes à Port-au-Prince

Selon la police, 90 personnes ont été interpellées lors des opérations menées les 6 et 7 novembre. Onze d’entre elles sont gardées à vue. Un dénommé Jean Marie Samedy, présenté comme un des dirigeants de « l'Opération Bagdad », a été arrêté. Selon la NCHR, il a subi des mauvais traitements lors de son arrestation.

Un policier a été tué samedi par des hommes qui ont lui ont volé son arme, ses papiers d'identité et sa moto. Le mardi précédent, c’est un agent civil de la police qui avait été abattu alors qu’il se trouvait, à bord d'un pick-up de la police.

Mercredi, au bas de Delmas, des individus ont ouvert le feu sur des chauffeurs qui attendaient des passagers. Un bébé de 18 mois et un jeune homme ont été tués. La mère de l’enfant a été blessée au visage par un coup de machette. Dans la nuit de mardi à mercredi, plusieurs containers de vêtements d’occasion appartenant à des petits marchands ont été incendiés à l’entrée de La Saline. Le gardien du marché a été blessé.

L’UNICEF a dénoncé l’utilisation des enfants par les gangs armés qui entretiennent la violence dans les quartiers populaires de Port-au-Prince. L’UNICEF a annoncé la mise sur pied de programmes sociaux pour accompagner ces enfants et adolescents.

>>> Amnesty International s’adresse au gouvernement haïtien et à la MINUSTAH

Une délégation intérim International a conduit une enquête pendant 18 jours à travers plusieurs villes d'Haïti. Elle a ainsi reçu des rapports détaillés sur des exécutions opérées à Port-au-Prince par des individus habillés en noir, portant des cagoules et se déplaçant en voitures portant des inscriptions de la Police nationale Au moins 11 personnes auraient été exécutées ainsi en deux semaines. intérim réclame une enquête indépendante, impartiale et transparente sous la direction de la Police civile internationale.

La délégation intérim a présenté ses conclusions à Gérard Latortue, qui était accompagné de plusieurs ministres, du chef de la police et de représentants de l’ONU. Aux uns et autres, elle a rappelé leurs responsabilités. Elle a souligné les problèmes créés par les arrestations opérées en dehors d’un cadre légal, et par le fait que des anciens militaires occupant certains commissariats accomplissent des tâches judiciaires. Elle a alerté le gouvernement sur la crise humanitaire qui se développe à Cité Soleil, aujourd’hui « sous le contrôle absolu de groupes armés ». Selon intérim, le mandat donné à la MINUSTAH et prévoyant la protection de civils sous la menace immédiate de violence physique, doit être appliqué à Cité Soleil. intérim International considère que l’absence d'un programme efficace de désarmement est une cause majeure de la crise actuelle.

>>> EN BREF

Alors que le président Alexandre Boniface envisageait de dissoudre le Conseil électoral provisoire (CEP), paralysé par une série de crises, sa présidente a démissionné. Roselor Julien qui représentait l’Eglise catholique dit avoir pris cette décision pour ne pas cautionner une « farce électorale ». Selon elle, des membres du CEP cherchent à manipuler les élections au profit de partis ou d’intérêts particuliers. Elle a été remplacée par Max Mathurin, qui occupait le poste de vice- président.

L'Initiative pour l'intégration de la jeunesse haïtienne qui regroupe entre autres la Fédération des étudiants universitaires haïtiens (FEUH), l'Action de jeunesse haïtienne et la Coordination des étudiants des universités privées, dénonce le laxisme de l'administration Alexandre-Latortue. Elle organise deux journées de mobilisations, dont une manifestation, qui se tiendra le 8 novembre, jour anniversaire de la bataille de Vertières. Des anciens militaires entendent eux aussi manifester ce jour là. Ces manifestations coïncideront avec le début à Vertières même de la commémoration du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti. Elle est organisée par la commission présidentielle dirigée par l’historien Leslie Manigat.

L’ ex-commandant Marc Kernizan, avait été condamné par contumace il y a quelques années pour sa participation à l’assassinat d’Antoine Izmery en 1993. Il a été arrêté en Floride et devrait être extradé en Haïti.

Presque toutes les semaines, de nouveaux casques bleus et des policiers originaires de différents pays viennent renforcer la mission des Nations unies (MINUSTAH). Il y a actuellement 4489 militaires sur les 6700 prévus par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le nombre de policiers s’élève à 1228.

Les Etats-Unis vont accorder 100 millions de dollars supplémentaires à plusieurs pays des Caraïbes touchés par des cyclones. Parmi les bénéficiaires les plus importants, la Grenade recevra 42 millions de dollars, Haïti 38 millions et la Jamaïque 18 millions.

La Cerisaie d’Anton Tchekhov, mise en scène par Jean-René Lemoine, originaire d'Haïti, avec 14 comédiens caribéens : du 25 novembre au 19 décembre à la MC93 Bobigny, 1 boulevard Lénine, 93 Bobigny (métro Bobigny Pablo Picasso). Réservation : 01 41 60 72 72. Prix : de 8 à 23 €. Réduction pour les adhérents du Collectif Haïti de France (13 € au lieu de 23 €).

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