Une Semaine en Haïti – n° 726Lundi 29 Novembre 2004

L’Unicef dénonce les violences subies par les enfants des rues à Port-au-Prince

Manifestation de partisans de Jean-Bertrand Aristide

Recrudescence des cas de viol dans la capitale

Restriction temporaire des importations par les ports de province

Gérard Latortue à la recherche de soutiens internationaux

Kofi Annan demande un prolongement du mandat de la MINUSTAH

>>> L’Unicef dénonce les violences subies par les enfants des rues à Port-au-Prince

L’UNICEF dénonce la violence dont sont victimes les enfants des rues. Fénel Alexis ( 10 ans) et Faustin Archange (13 ans) ont été retrouvés sans vie, criblés de balle à côté de deux corps d’enfants décapités à la morgue de l’hôpital général de Port-au-Prince..

L’UNICEF affirme qu’il est « intolérable que des enfants soient menacés, enlevés, utilisés dans des actes criminels, sauvagement assassinés et même décapités ». La représentante de l’Unicef en Haïti réclame justice.

Par ailleurs, la semaine passée a apporté son lot de nouvelles victimes à Port-au-Prince. Dimanche, un policier a été grièvement blessé par balle et un chauffeur de transport en commun a été tué et ses passagers rançonnés. Lundi, des hommes en armes ont semé la panique près du quartier du Bel Air et ont tué la mère du chanteur Stanley Toussaint lors de l’attaque de son magasin. Au moins quatre personnes ont été blessées dans la journée. Jeudi, de présumées « chimères » ont tiré de nombreux coups de feu en l’air dans la zone de Lalue et de Poste Marchand.

La Croix Rouge Haïtienne a annoncé qu’elle ne travaillerait plus la nuit tombée en raison des menaces reçues par son personnel et pour éviter que ses ambulances soient attaquées et détruites, comme cela a été le cas récemment.

Onze Argentins, membres selon certaines sources des casques bleus, membres du personnel administratif de la Minustah, selon d’autres sources, ont été enlevés et dévalisés dimanche dernier. Ils longeaient Cité Soleil en minibus pour se rendre à la plage lorsqu’ils ont été arrêtés par des hommes armés. Ils ont été brutalisés et dépouillés de leurs biens, y compris de presque tous leurs vêtements. Peu de temps après, une patrouille de la Minustah a arrêté six personnes.

>>> Manifestation de partisans de Jean-Bertrand Aristide

Le 26 novembre, plusieurs chars blindés étaient placés dans le voisinage immédiat du Palais présidentiel. Des rumeurs circulant la veille laissaient craindre des violences pour ce jour anniversaire de l’élection présidentielle de l'année 2000.

Entre plusieurs centaines et six mille personnes, selon les sources, ont défilé ce jour là dans plusieurs quartiers de la capitale pour réclamer le retour de Jean-Bertrand Aristide. Certains manifestants portaient des armes. La manifestation s’est déroulée sous la surveillance de la police et de la MINUSTAH. Aucun incident n’a été signalé. Selon l’agence Reuters, un des organisateurs a déclaré : « il ne peut pas y avoir de paix, de réconciliation et de démocratie sans Aristide ». Il a réclamé la mise en place d’un « gouvernement de consensus national », incluant des membres de Fanmi lavalas pour préparer le retour d’Aristide.

>>> Recrudescence des cas de viol dans la capitale

Désormais le viol est reconnu comme un crime par le code pénal haïtien. Cette décision judiciaire a été adoptée la semaine dernière.

Ces trois derniers mois, plus de 80 femmes victimes d’agression sexuelle ont été prises en charge par les centres médicaux Gheskio. La grande majorité des cas serait l’œuvre de bandits opérant dans la région métropolitaine. Lee nombre était de 31 au premier trimestre de 2004 et de 71 au second trimestre.

Plusieurs activités ont marqué la journée internationale contre les violences faites aux femmes, jeudi 25 novembre. Elles se sont déroulées autour du thème : « Plus d’armes, plus de violence contre les femmes…désarmons tous les gangs ».

Une réunion s’est déroulée à l’Ecole Nationale des Sages-femmes. La ministre la condition féminine, Adeline Chancy, a dénoncé la multiplication des cas de viol. La ministre de la santé Josette Bijou a déploré le fait que la réunion n’ait pu avoir lieu à l’hôpital Isaïe Jeanty comme prévu. Cet hôpital est situé à Chancerelles, à l’entrée nord de Port-au-Prince, zone d’intenses activités des « chimères ».

Un rassemblement prévu au Champ de Mars par la coordination des organisations de femmes (CONAP) n’a pu avoir lieu en raison des coups de feu tirés dans cette zone le 25 novembre. L’organisation Solidarité des Femmes Haïtiennes (SOFA) mène campagne pour que les autorités judiciaires donnent suite au dossier d'une fillette de 13 ans, kidnappée puis violée par ses ravisseurs.

>>> Restriction temporaire des importations par les ports de province

Le ministre des Finances Henri Bazin a décidé d’interdire aux ports de la province de recevoir des véhicules et des produits réfrigérés pendant une période de 6 mois. Il a annoncé la modernisation des équipements portuaires afin de pouvoir conserver des produits réfrigérés et de combattre la contrebande. Cette disposition provoque déjà des remous. Ainsi, à Saint-Marc, des barricades enflammées, ont été dressées. Pour leur part, des industriels et des commerçants du Sud Est estiment que le coût de la vie va augmenter. A la suite de ces protestations, l’application de la mesure a été reportée d’un mois.

>>> Gérard Latortue à la recherche de soutiens internationaux

De passage à Paris lundi 22 novembre, le premier ministre Gérard Latortue a affirmé : "Nous vivons des moments de démocratie comme le pays en a rarement connu, sans terrorisme d'Etat". Il a précisé : "Mon gouvernement n'a aucun projet politique, nous conduisons une transition, nous faisons tout ce que nous pouvons pour que tous les partis participent aux prochaines élections". Il a ajouté :"La solution politique doit passer par les partisans d'Aristide mais pas par Aristide .

Selon le premier ministre, l'insécurité, due à "des gangs armés liés à Aristide" et au "banditisme" est "concentrée dans des zones précises de Port-au-Prince et non plus dans toute la ville comme avant le départ d'Aristide".

Gérard Latortue a rencontré le secrétaire d'Etat français aux Affaires étrangères, Renaud Muselier, avec qui il a notamment évoqué le dossier du 1,2 milliard de dollars d'aide internationale promis à Haïti, mais toujours pas débloqué. Le secrétaire d'Etat français a expliqué que la mise en place des appels d'offres est très longue". « Il faut accélérer les procédures pour construire les routes, la situation est inquiétante au niveau du développement », a-t-il indiqué. Pour Gérard Latortue, "la priorité numéro un est la construction d'infrastructures, puis l'énergie, la santé, la protection de l'environnement".

Il a poursuivi son voyage par le Burkina Faso, où il a participé au sommet de la francophonie. Lors de la cérémonie d’ouverture, le président du Burkina Faso, Blaise Compaore, et le premier ministre du Canada, Paul Martin, ont souligné la nécessité d’aider à la reconstruction d’Haïti. L’Etat haïtien a été élu vice-président du Conseil de la Francophonie.

>>> Kofi Annan demande un prolongement du mandat de la MINUSTAH.

Le secrétaire général des Nations Unies plaide en faveur du prolongement du mandat de la MINUSTAH. Selon Kofi Annan, ce mandat devrait être prolongé pour deux ans, soit jusqu'en mai 2006. Il dit constater une détérioration de la situation de la sécurité en Haïti durant les trois derniers mois. « Il faut que les parties concernées arrivent à travailler ensemble en vue de couper court au climat d'insécurité », a déclaré Kofi Annan. Le dirigeant de l'ONU croit que sans un consensus de toute la société haïtienne, ce problème ne sera pas résolu et que le pays risque de se retrouver dans une situation pire qu'avant. Il regrette que l'aide économique promise à Haïti tarde à venir, ce qui est selon lui, une des causes du climat de tension existant dans le pays.

A partir du début décembre, vingt policiers étrangers mandatés par l’ONU vont mener une enquête en Haïti. Elle portera notamment le massacre attribué à la police haïtienne d’une douzaine de personnes le 26 octobre. Les enquêteurs vont également chercher à identifier toutes les personnes arrêtées depuis le départ d’Aristide.

>>> EN BREF

Aux Gonaïves, les partisans d'un chef de l’ancienne Armée Cannibale, Ferdinand Wilfort alias Ti Will, ont érigé des barricades enflammées dans le quartier de Raboteau. Ti Will est recherché pour le meurtre d’une fillette de six ans, Francesca Gabrielle, qui a été tuée alors qu'il mitraillait la maison d'un rival. Le Front de reconstruction national affirme qu’il n’a jamais été membre de ce parti.

L’inspection générale de la police a ouvert une enquête sur l’implication présumée de policiers dans la disparition de 180 mille dollars américains dans un hôtel de Port-de-Paix.

Selon l’ambassadeur de France à Port-au-Prince, Thierry Bruckart, "Il est temps de se repencher de façon rapide, concrète, efficace, sur les dossiers de drogue en Haïti et sur d'autres dossiers de malversations financières qui pourraient être connus des autorités américaines".Le diplomate a estimé que les narcotrafiquants avaient intérêt à "voir la violence se maintenir dans le pays parce qu'ils ont besoin d'un Etat de non-droit pour mener leur trafic".Thierry Brukart a aussi souligné que, même exilé en Afrique du Sud, Jean-Bertrand Aristide conservait « une capacité de nuisance » et qu'il ne fallait pas qu'elle se transforme « en capacité politique ».

Pour leur quatrième édition, les rencontres internationales des littératures de l'exil D'encre et d'exil commémorent le bicentenaire de l'indépendance d'Haïti. Vendredi 3 décembre (à partir de 17 heures), samedi et dimanche : films, spectacles, débats, au centre Georges Pompidou (petite salle), avec notamment Frankétienne, Mimi Barthélémy, Louis-Philippe Dalembert, Gary Victor, Maxence Denis, Laennec Hurbon, Yane Mareine. Entrée libre dans la limite des places disponibles. Programme complet sur http://www.bpi.fr

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