Une Semaine en Haïti – n° 727 – Lundi
06 Décembre 2004
Fusillade près du palais national durant une visite de Colin Powell
Sept morts lors d’une mutinerie au pénitencier national
Malgré des pressions, le commandant de la Minustah refuse d’exercer une répression massive
Le gouvernement de Gérard Latortue critiqué de toutes parts
Libération du Père Gérard Jean-Juste
Le mandat de la Minustah renouvelé pour six mois
Célébration de la journée internationale du sida
>>> Fusillade près du palais national durant une visite de Colin Powell
Mercredi 1 er décembre, huit personnes ont été blessées par balles lors de l'intense fusillade qui s'est produite aux abords du Palais national, où se trouvait le secrétaire d'Etat américain Colin Powell. En outre, le corps du gardien d’un jardin a été retrouvé sans vie le lendemain près du palais. Juchés sur un "tap-tap", selon l’AFP, un groupe d'une quinzaine de "chimères" ont ouvert le feu alors qu'ils se trouvaient à une centaine de mètres des grilles du palais. Saluant de la main tout en tirant, ils ont rapidement quitté les lieux. Des casques bleus jordaniens ont déclenché contre eux un feu nourri. Après cette intense fusillade de quelques minutes, des coups de feu sporadiques d'armes plus légères ont été entendus pendant un quart d'heure avant que le calme ne revienne. Colin Powell a souligné lors de sa conférence de presse la nécessité de « mettre rapidement sur pied la police nationale haïtienne ». Il a déclaré au sujet des casques bleus : « ils doivent répondre énergiquement aux hommes armés du type de ceux qui ont tiré ce matin ».
Le soir, au moins deux personnes auraient été tuées par balle à Port-au-Prince, tandis que des véhicules et des maisons étaient incendiés à l’avenue Pouplard. Presque chaque jour de la semaine, des individus armés ont semé la panique dans plusieurs quartiers de la capitale.
Le porte-parole des militants Lavalas du quartier populaire du Bel-Air, Samba Boukman, a dénoncé vendredi une intervention brutale de la police effectuée la veille dans le quartier du Fort-National.
>> Sept morts lors d’une mutinerie au pénitencier national
Une tentative de mutinerie a eu lieu dans la nuit du 1 er au 2 décembre au pénitencier national de Port-au-Prince. Cette révolte et la répression qui s’en est suivie ont fait sept morts et cinquante quatre blessés dont quatorze grièvement. Quatre policiers ont été blessés. Certains détenus qui ne voulaient pas participer au mouvement auraient été blessés par les mutins.
Selon la Coalition nationale pour les droits des Haïtiens (NCHR) "lors de la mutinerie il y avait 1070 détenus au pénitencier national dont seulement 22 avaient fait l'objet d'une condamnation, soit 1.048 prisonniers en préventive". Elle a dénoncé "le manque de moyens des agents de l'administration pénitentiaire, qui manquent de boucliers et de gaz lacrymogènes".
>>> Malgré des pressions, le commandant de la Minustah refuse d’exercer une répression massive
Lors d’une audition devant une commission du parlement brésilien, le général Augusto Heleno Ribeiro, qui commande la composante militaire de la Minustah, a déclaré : « Nous sommes soumis à une pression extrêmement forte de la part de la communauté internationale, qui nous demande d’employer la violence ». Il a ajouté : « Je commande une force de maintien de la paix, pas une force d’occupation ; nous ne sommes pas là pour nous livrer à la violence, et cela se passera ainsi tant que je commanderai cette force ».
Selon l’agence Reuters, il a cité les Etats-Unis, la France et le Canada parmi les pays qui exercent des pressions pour l’utilisation de la force contre les groupes armés. Le ministre brésilien des Affaires étrangères Celso Amorim a ajouté : « Cela nécessiterait une force de cent mille hommes préparés à traquer et à tuer de nombreuses personnes, et cela n’est ni notre rôle ni ce que nous voulons »
>>> Le gouvernement de Gérard Latortue critiqué de toutes parts
Ces derniers jours, les critiques n’ont cessé de pleuvoir sur le gouvernement intérimaire. Des organisations de défense des droits humains s’indignent du fait qu’aux Gonaïves le dénommé Ferdinand Wilort soit encore en liberté alors qu’il est accusé d’avoir tiré les balles qui ont tué une fillette. Des associations de journalistes reprochent au gouvernement de ne pas avoir fait avancer l’enquête sur l’assassinat de Jean Dominique et de Brignol Lindor. Des sociétaires victimes des coopératives d’épargne veulent lancer une mobilisation antigouvernementale. Un porte-parole de la Convergence démocratique, Paul Denis, estime que le gouvernement n'a pratiquement rien fait pour améliorer les conditions de vie de la population. Selon l’AHP, il a indiqué que la plate-forme de l'ancienne opposition étudie actuellement un moyen d'aboutir à la démission du gouvernement.
Dans un article publié dans le Miami Herald, le journaliste Don Bohning, un spécialiste des questions haïtiennes, a proposé l’instauration d’un protectorat international sur Haïti, une nation qui selon lui se désintègre. Il estime que le pouvoir intérimaire n’a pas le soutien populaire et la capacité nécessaires pour affronter les graves problèmes auxquels se trouve confronté le pays. La Convergence démocratique, par la voix de Micha Gaillard, estime que l’incapacité du gouvernement à concrétiser ses promesses encourage une telle perception. Mais les responsables de partis politiques rejettent de manière catégorique l’idée de placer le pays sous protectorat ou sous tutelle.
>>> Libération du Père Gérard Jean-Juste
Le Père Gérard Jean-Juste a été libéré le lundi 29 novembre. Il avait été arrêté le 13 octobre pour sa participation présumée à « l’opération Bagdad ». A sa sortie de prison, il a révélé avoir eu avant son arrestation une conversation téléphonique avec Jean-Bertrand Aristide.
Il y a deux semaines, Kofi Annan avait présenté au Conseil de sécurité de l’ONU un rapport dans lequel il citait le nom du Père Gérard Jean-Juste. Il y écrivait : « J’encourage le gouvernement de transition à libérer [les prisonniers] contre lesquels aucun chef d’accusation n’a été retenu, et à traduire les autres en justice selon un processus équitable et transparent ».
>>> Le mandat de la Minustah renouvelé pour six moisLe Conseil de sécurité des Nations unies a décidé de renouveler le mandat de la Minustah "jusqu'au 1er juin 2005, avec l'intention de la renouveler pour de nouvelles périodes". Le Conseil encourage également le gouvernement de transition d'Haïti à "continuer d'explorer activement tous les moyens possibles d'inclure dans le processus démocratique et électoral tous ceux qui demeurent à l'heure actuelle en dehors du processus de transition mais ont rejeté la violence".
Le Conseil de sécurité "demande instamment aux institutions financières internationales et aux pays donateurs intéressés de décaisser sans tarder les fonds qu'ils ont annoncés à la conférence internationale des donateurs pour Haïti, tenue à Washington les 19 et 20 juillet 2004". Marco Aurelio Garcia, conseiller du président Lula, a déclaré au Figaro : « Pas un sou n’est arrivé, au prétexte qu’on manque de projets sérieux à financer, et que leur montage nécessite entre 18 et 24 mois. Ce sera trop tard. Si on attend dix-huit mois, il n’y aura plus d’Haïti. Il faut que, pour une fois, la communauté internationale parvienne à dépasser la bureaucratie classique, quitte à envoyer du personnel capable d’aider à l’élaboration de projets concrets, et surtout créateurs d’emplois ».
>>> Célébration de la journée internationale du sida
Plusieurs initiatives ont été prises par divers organismes lors de la journée mondiale du sida, le 1er décembre. L’Association de Solidarité nationale (ASON), a inauguré un cyber café et un centre de documentation sur le sida à l'intention des jeunes, et en priorité des personnes porteuses du VIH. Saurel Beaujour, directeur exécutif de l'ASON, a déclaré à cette occasion : « La question du sida génère de fortes sommes en Haïti. Mais seulement 2000 personnes sur les 300 mille personnes infectées ont accès aux soins sanitaires ». « Journellement, 150 personnes vivant avec le VIH meurent dans le pays par manque de médicaments et du non-accès aux soins de santé », a-t-il renchéri. Il veut demander au prochain parlement de voter des lois protégeant les droits des séropositifs, qui sont sans cesse bafoués.
Accélus Liony, président du Réseau haïtien des personnes infectées par le VIH (REHPIVIH) s'insurge contre la stigmatisation des personnes infectées. Dans une lettre ouverte, Esther Boucicault Stanislas, connue pour avoir été la première Haïtienne à révéler sa séropositivité, a appelé les bailleurs de fonds à aider les 40000 personnes en attente de médicaments contre le sida.
>>> EN BREF
Des casques bleus de l'Onu et des policiers haïtiens ont été la cible de jets de pierres et de bouteilles au Cap-Haïtien, dans un quartier où une jeune fille avait été tuée d'une balle dans la nuque. Des habitants du quartier populaire de Sainte-Marie s'étaient rassemblés pour protester contre l'incapacité de l'Onu à garantir la sécurité.
Le premier ministre a déclaré que son gouvernement entreprenait des démarches auprès de son homologue suisse en vue de la récupération des fonds détournés par le régime des Duvalier. La banque centrale travaille actuellement sur le dossier des fonds de la famille Duvalier en dépôt dans les banques de Suisse, a indiqué Gérard Latortue.
La France a accordé un financement de 6 millions d'euros destinée à réhabiliter une centrale électrique à Port-au-Prince et à reconstruire le système d'adduction d'eau potable dans les quartiers défavorisés de la capitale. L'accord a été signé par le directeur régional de l'agence française de développement (AFD) et par le ministre de l'Economie Henri Bazin,
Quatre-vingt-deux réfugiés haïtiens qui tentaient de gagner clandestinement les côtes américaines de Floride à bord d'une embarcation de fortune ont été rapatriés à Port-au-Prince.
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