La sirène. Cette belle sirène qui possède queue et nageoires est l’amie des poissons et des étoiles de mer, qui sont les symboles du dieu Agoué qu’on dit son mari. Tout est, dans cette sculpture, ondulation de vagues. Simplicité et volupté d’un monde du silence où les problèmes et les souffrances de la terre ferme ne se sont pas encore installés. Elle est considérée comme l’épouse d’Agwé, le maître de la mer. Ce sont surtout les pêcheurs et les marins qui sont placés " sous leur juridiction ". Alfred Métraux. (Le vaudou haïtien. Gallimard) |
" La sirène et la baleine sont deux divinités aquatiques si étroitement liées qu’on les vénère toujours ensemble et qu’on les célèbre dans le même chant. Les uns disent que la baleine est la mère de la sirène, d’autres qu’elle est son mari, et d’autres enfin que ces deux noms s’appliquent à une seule et même divinité. On se représente la sirène conformément à la tradition européenne, mais lorsqu’elle apparaît dans un sanctuaire, la personne qui est possédée par elle n’est qu’une jeune femme coquette, fort soucieuse de sa toilette. On m’a raconté qu’au cours d’une cérémonie vaudou, la Sirène et la Baleine s’étaient incarnées dans deux jeunes femmes, qui par affectation d’élégance, s’étaient mises à parler Français. Un Guédé, excédé par leur snobisme se moqué d’elles avec tant de cruauté que les deux pauvres déesses s’enfuirent toutes penaudes . "
Dans les représentations du moyen âge, les sirènes étaient souvent peintes comme des êtres avenants, chantant et jouant. Elles n’ont pas l’aspect en même temps charmeur et maléfique des sirènes de la Grèce antique. Mais méfiez-vous de celle qui parade dans les eaux des lacs et des fleuves d’Haïti.
Quand à la baleine, elle est souvent représentée comme elle l’était au Moyen âge, mais elle est de nature très différente. Au Moyen âge, dans les bestiaires, énorme animal marin parfois doté de longues défenses, imaginé avec toutes les formes possibles du monstre, son corps ressemblait à une île de sable, dont il avait la couleur. Les marins, qui, trompés, y accostaient, étaient perdus à jamais. Celle du vaudou haïtien est plus débonnaire et son rôle est plutôt bénéfique pour ses adorateurs, sauf si elle est jalouse !
Lisez le grand Livre de l’auteur haïtien Gary Victor (Collection Vents d’ailleurs) Vous y rencontrerez la Sirène du fleuve, qui parfois vous capture et vous retient prisonnier au fond des fleuves des lacs ou de la mer, surtout les jolies femmes dont elle est jalouse, car tous les hommes sont amoureux d’elle. ! C’est que la Sirène est amoureuse de Papa Simbi…un dieu qui la délaisse.
Elle s’appelait Manmzèl
C’était une fille de la chapelle
Qui n’avait jamais vu le fleuve
Quand elle passait dans notre bourg
Les jeunes hommes disaient
Elle est plus belle que la Sirène !
Un jour, en prenant son bain dans la rivière
Papa Simbi vint à passer.
Coup de foudre. L’orage gronda
Ils firent l’amour jusqu’à la tombée du jour.
Le colibri, jaloux de la beauté de Manmzèl
S’empressa d’avertir la Sirène
Que le Dieu était tombé en amour
Avec une autre femme.
Un matin à la source,
Manmzèl glissa dans le bassin
Et disparut, capturée par sa rivale.
Depuis ce jour, partout, Papa Simbi la cherche.
Je chante cette chanson
Pour que celui qui l’entend,
Si cela est en son pouvoir,
Puisse avertir Papa Simbi
Que Manmzèl est prisonnière de la Sirène
Car il faut que leur amour renaisse
Pour que l’Arc en Ciel fructifie
De nouveau la vallée.
( Simbi est aussi un dieu aquatique. Il est le gardien des sources et des mares, mais habite dans les grottes des montagnes. (Quelquefois représenté comme les " rois mages ".)